Hier soir, Enrico se produisait avec 5 de ses musiciens au Loft d’Algrange en Moselle.
A la 1ere note, on reconnaît d’emblée « Enfants de tous pays », reprise par un public enthousiaste et chaleureux. D’ailleurs, Enrico dit que « ce sont tous des Anges » en faisant allusion aux villes de notre région qui finissent par « ange » : Algrange , knutange , Nilvange , Uckange …….
Avec son répertoire, Enrico et son orchestre ont fait vibrer la petite salle du loft mais oh combien chaleureuse. Le public lui a offert des tonnes d’applaudissements et a repris en cœur les classiques d’Enrico Macias : l »es filles de mon pays », « aux talons de ses souliers », « Solenzara » , »Une fille à marier », « les gens du Nord », « Paris, puis Knutange, qui l’ont pris dans ses bras ».
Puis s’enchaine la partie Arabo Andalouse ,avec la Darbuka d’Amar, les solos de Bruno Bongarçon et Abdenour Djemai, la basse de Jean-Claude Ghrenassia, le fils d’Enrico, et le violon de Kamel Labbaci .
L’oriental nous a offert un concert inoubliable.
A la technique il y avait Vincent qui a bien géré les réglages de son sur scène et dans la salle.
Et je voudrais remercier la direction du Loft et ses employées, souriantes et de bonne humeur. Peut être à un prochain concert dans la région. En tout cas, cela fait 56 ans que je suis fan d’ENRICO et ma fidélité est restée intacte. Merci pour ces moments musicaux et pour nos échanges toujours enrichissants Enrico.
Kdi Souidi
Merci à Kdi pour son témoignage. Partout où chante Enrico, on trouve au moins un fan pour témoigner de l’ambiance torride qu’il instaure immanquablement
ENTRETIEN« Je ne serais pas arrivé là si… » « Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence. Cette semaine, le chanteur raconte son enfance en Algérie et son rôle de passeur de la musique arabo-andalouse.
Après soixante ans de carrière, Enrico Macias remplit toujours les salles et chante, même quand sa voix lui joue des tours, comme à l’Olympia début avril. A 83 ans, le chantre de la paix et de la fraternité se montre également inquiet de la possible victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle.
Je ne serais pas arrivé là si…
… Si je n’étais pas le fils d’un grand violoniste, qui, à Constantine, jouait dans l’orchestre de Raymond Leyris, « Cheikh Raymond », le plus grand représentant de tous les temps de la musique classique arabo-andalouse. Mon père n’était pas tellement favorable à ce que je devienne musicien à mon tour, tout en étant fier intérieurement que je joue de la guitare.
Lors de la bar-mitsva de mon petit frère, mon père a demandé à Cheikh Raymond de m’écouter. J’ai improvisé devant lui, et il a trouvé cela suffisamment convaincant pour m’inviter à passer quelques jours plus tard dans son magasin de disques – une curieuse boutique, qui vendait uniquement les disques de son orchestre.
J’y suis allé, mais sans guitare. Alors il m’a mis entre les mains un oud, un luth oriental. Je n’avais jamais touché à cet instrument, mais j’avais si peur de le décevoir que j’ai vite compris comment m’en servir. « Parfait, la semaine prochaine, tu joues dans l’orchestre à la radio avec nous », a conclu Cheick Raymond. J’avais réussi le test.
Et vous voici guitariste, à 15 ans…
C’était assez irréel de jouer dans un tel orchestre. Il fallait avoir de la technique et beaucoup de mémoire, car cette musique, le malouf, se transmet uniquement par oral.
Cheikh Raymond est ainsi devenu mon maître, et moi, son meilleur élève. C’était un homme aussi tendre que sévère, un peu comme du bon pain : croustillant à l’extérieur, mais avec la mie à l’intérieur. Je ne serais pas arrivé là s’il ne m’avait pas remarqué, s’il n’avait pas deviné le potentiel qu’il y avait en moi. Et je serais sans doute devenu son héritier si l’histoire n’en avait pas décidé autrement.
C’est votre père qui vous avait appris la guitare ?
Non. J’ai appris en autodidacte. La guitare, c’est ma grand-mère paternelle, Djermouma, qui me l’avait offerte, quand j’avais dans les 13 ans. Elle aussi a joué un rôle important. Mes grands-parents avaient perdu un fils, Gaston, à l’âge de 8 ans. C’était le petit frère de mon père. Quand je suis né, ma grand-mère a voulu m’appeler Gaston, comme lui. Elle essayait de se consoler de ce deuil, et m’a aimé d’un amour inconsidéré.
J’ai ainsi passé une bonne partie de mon enfance avec elle et mon grand-père, à Jemmapes, l’actuel Azzaba, un village où ils tenaient une boutique de tissus. Cela a un peu provoqué un conflit avec ma mère. Elle comprenait le désir de sa belle-mère, mais elle était frustrée de ne pas m’avoir avec elle. Lorsque mon frère Jean-Claude est né, deux ans après moi, ma mère a reporté sur lui tout l’amour qu’elle avait pour moi.
A quoi votre enfance a-t-elle ressemblé ?
Elle a d’abord été marquée par la seconde guerre mondiale et les lois antisémites de Vichy, qui m’ont empêché d’aller à l’école. J’y suis entré à 7 ans seulement, au lieu de 5 ans. Durant cette enfance, j’ai reçu beaucoup d’amour, bénéficié d’une grande liberté. En revanche, je n’ai pas eu d’adolescence. La guerre d’Algérie a débuté, et nous avons vécu dans l’inquiétude perpétuelle. Quand on sortait dans la rue, on ne savait pas si on allait revenir le soir.
A l’époque, vous chantiez déjà ?
Pour moi, chanter a été un accident. Dans l’orchestre, « tonton Raymond », comme on l’appelait, était le seul à le faire. Je chantais plutôt en cachette, quand je faisais l’école buissonnière avec mes amis, et je n’aimais pas beaucoup ma voix. En outre, à la guitare, j’avais une technique solide pour la musique orientale, mais rudimentaire pour la musique occidentale. Je n’arrivais à interpréter des chansons françaises en m’accompagnant que si elles étaient dans ma tessiture. Un jour, heureusement, j’ai découvert dans un magasin une drôle de pince, un capodastre. En le plaçant sur le manche de la guitare, je pouvais changer de tonalité en gardant le même doigté. Cela a résolu mon problème technique alors que, certes, j’aimais jouer de la guitare, mais j’avais aussi envie de créer, de partager, de m’extérioriser. Sans le capodastre, jamais je n’aurais fait une carrière de chanteur !
Une carrière que vous commencez comme instituteur…
C’est un hasard. Avec la guerre, l’Algérie manquait d’enseignants. J’ai d’abord été pion, et quelqu’un de l’éducation nationale m’a demandé si je voulais être instituteur. J’ai passé trois mois à l’école normale, puis je me suis retrouvé devant une classe. J’y ai appris à capter un auditoire. Je ne mettais pas de sanctions. Mais le samedi, je donnais un petit spectacle auquel ceux qui avaient mal travaillé n’assistaient pas. Cette vie entre la classe, la musique et la chanson a duré jusqu’au 22 juin 1961.
Que se passe-t-il ce jour-là ?
Tout bascule. C’est un jeudi, je n’ai pas classe, et je dors tard parce que j’ai fait la fête toute la nuit à un mariage. Vers midi, j’entends mon grand-père crier : « Ils ont tué Raymond ! »
Je crois à un cauchemar. Je me lève, je descends dans la rue, je vais vérifier chez Cheikh Raymond, dont la fille Suzy était ma fiancée. Il vient d’être assassiné par le FLN, sur le marché. D’un coup, je deviens orphelin de Cheikh Raymond, que j’adorais comme un père spirituel, orphelin de la musique arabo-andalouse dont il était l’incarnation, orphelin de mon pays. Car très vite, il faut partir. Des tracts appellent à éliminer les membres de l’orchestre. Nous sommes en danger. Toute la communauté juive de Constantine quitte la ville. Avec ma famille, j’embarque pour la France.
Sur le bateau, vous écrivez une chanson restée fameuse…
Chez nous, quand on est heureux ou malheureux, on l’exprime par des improvisations. Pendant la traversée, tout le monde pleurait. J’ai pris ma guitare et j’ai improvisé : « J’ai quitté mon pays, j’ai quitté ma maison. » J’ai chanté la chanson.
Les larmes coulaient de tous les côtés. Ensuite, on m’a dit : « Chante-la encore ! » J’étais bloqué, incapable de retrouver les paroles. Ceux qui m’avaient écouté m’ont lancé : « ma vie », « ma triste vie se traîne sans raison ». Chacun me donnait un mot, une phrase, et j’ai reconstitué Adieu mon pays comme un puzzle.
En France, comment êtes-vous accueilli ?
Sur le bateau, on avait l’espoir d’être reçus comme des réfugiés qu’on accueille, qu’on dorlote. A Marseille, à Nice, à Vichy puis à Argenteuil et à Paris, cela n’a pas été le cas. Certains nous ont aidés. D’autres faisaient des réflexions comme : « Toi le frisé, retourne dans ton pays ! » On se sentait de trop.
A 23 ans, vous entamez à Paris une nouvelle vie. Laquelle ?
Une vie dans la musique. Je voulais me construire un répertoire propre, pour me guérir de la musique arabo-andalouse perdue. Mais mon père, lui, a continué à jouer cette musique traditionnelle, dans des soirées, des bars malfamés. Je lui en voulais. Je l’ai accompagné malgré tout pour quelques concerts. Les gens l’insultaient. Je me battais pour le défendre, et je me retrouvais au commissariat. On s’est fâchés. J’ai fini par lui dire : « Ecoute, papa, j’arrête. Quand je reviendrai, on fera la paix et tu verras, tu seras fier de moi. » C’est ce qui s’est produit.
Vous avez alors commencé à chanter dans des cabarets ?
Oui. J’ai obtenu mon premier cachet au Caveau de la République, à Paris. Puis j’ai enregistré un premier disque, avec Adieu mon pays. C’est à ce moment-là que j’ai changé de nom. Mon directeur artistique trouvait que « Gaston » n’allait pas avec une musique méditerranéenne, et n’arrivait jamais à se souvenir de mon nom, Ghrenassia. J’ai proposé le surnom que m’avaient attribué des Gitans, Enrico, et j’ai simplifié Ghrenassia en « Nassia ». Mais il y a eu une confusion, et c’est « Enrico Macias » qui s’est retrouvé imprimé sur la pochette. J’ai été rebaptisé malgré moi !
Le succès est arrivé très vite ?
Je ne serais pas arrivé là si les journalistes de l’émission de télévision « Cinq colonnes à la une » n’avaient pas entendu Adieu mon pays, et voulu l’utiliser pour illustrer un reportage sur les rapatriés d’Algérie. Après le tournage, le journaliste Igor Barrère m’a dit : « Ta séquence est formidable, mais s’il se passe un truc important d’ici à la diffusion, elle sautera. » Pendant huit jours, je n’ai pas dormi.
Le jour dit, toute la famille s’est retrouvée devant la télévision, et mon visage est apparu en gros plan. En repartant, des gens m’ont reconnu dans le métro. Puis cela a été le raz-de-marée. Auprès des pieds-noirs, puis de tous les Français en général.
Dans les années 1960-1970, vous êtes une vedette absolue. Après l’exil, enfin le bonheur ?
Un bonheur entaché par la mort de Cheikh Raymond, puis par celle de mon frère Jean-Claude, dans l’accident de la voiture dans laquelle se trouvait aussi Serge Lama, en 1965. Mais oui, j’ai eu la chance de passer entre les mailles des différentes modes.
Mes parents étaient fiers. « Ce soir, mille personnes t’ont applaudi. Demain, des millions t’applaudiront », m’a prédit mon père, après un concert. Ensuite, j’ai moins été dans la lumière. Mon inspiration m’avait lâché. J’ai attendu avec patience qu’elle revienne…
Vous êtes revenu sur le devant de la scène dans un nouveau costume, celui de passeur de la musique arabo-andalouse. « Cheikh Enrico », en quelque sorte ?
J’ai voulu rendre hommage à Cheikh Raymond. Pendant trois ans, j’ai donné des concerts de musique malouf, sans la moindre chanson française. Un drôle de pari. Je connaissais les musiques, mais il fallait apprendre tous les textes en arabe, la langue que je parlais avec mes grands-parents, alors que j’utilisais le français avec mes parents.
A la même époque, vous deviez revenir en Algérie, pour la première fois depuis 1961…
En mars 2000, j’étais invité par le président Bouteflika. Mais la veille de mon départ, la tournée a été annulée, sous pression de certains extrémistes qui me jugeaient trop proche d’Israël. Alors que je sentais que les cicatrices de mon cœur étaient sur le point de se refermer, elles se sont rouvertes.
Elles le sont toujours. J’ai 83 ans, et mon retour en Algérie n’est peut-être pas impossible. Mais si je meurs avant, j’espère au moins que mes enfants pourront se rendre sur ma terre natale. Je serai alors content, là où je serai.
Vous êtes croyant ?
Très. Ce n’est pas le dogme qui m’intéresse. Mais je suis un mystique, solidaire du peuple juif qui a vécu tant de persécutions. C’est d’ailleurs en voyant un film sur le ghetto de Varsovie, à 10 ans, et en découvrant la souffrance de ces Ashkénazes, que je suis devenu profondément juif. Je crois qu’une force nous dirige, que chacun a une mission sur terre. La mienne est de faire de la musique, de chanter, d’envoyer des messages d’amour, de paix et de fraternité. En 1997, j’ai même reçu un mandat des Nations unies en ce sens.
Pour la musique, vous avez réussi. Pour la paix, en revanche…
C’est une mission dans le temps. Je n’ai pas renoncé à militer pour la paix, le droit à la différence, contre la violence et le racisme. Je sais que l’histoire est tragique, je ne suis pas naïf. Simplement, j’essaie de la rendre moins tragique, au lieu d’être au service de la haine.
Vous avez toujours pris position contre l’extrême droite. Etes-vous inquiet, après ce premier tour ?
Je suis un simple artiste, je n’ai pas la prétention de représenter ou d’influencer les gens. Mais oui, je suis contre l’extrême droite, et la possibilité d’une élection de Mme le Pen me fait peur. Je ne crois pas en sa capacité à rassembler le pays.
Depuis plus de douze ans, vous menez un autre combat, à propos d’un prêt accordé par une banque islandaise. Vous devez rembourser 30 millions d’euros. Vous voici ruiné ?
Le juge de l’exécution n’a pas statué, donc j’espère encore un peu sauver ma maison de Saint-Tropez (Var). Mais honnêtement, je crains que ce ne soit impossible. Dans cette affaire, la justice a davantage protégé les établissements financiers que tous les retraités qui ont le même problème que moi. A mon âge, je sais qu’on n’emporte pas sa maison dans l’au-delà. Dieu m’a donné beaucoup de belles choses, il m’en a repris certaines. Que la justice de Dieu soit bénie ! Je suis ruiné mais pas K.-O. Je rebondis grâce à la musique, au travail, à l’amour de ma famille. Et j’ai gagné celui du public.
Vous l’aviez déjà !
Il s’est encore accru. Regardez ce qui s’est passé l’autre soir à l’Olympia [où il s’est produit les 2 et 3 avril]. A cause d’une bronchite mal soignée, j’ai eu une extinction de voix. J’arrivais à sortir quelques notes aiguës, c’est tout. N’importe quel autre chanteur aurait annulé. J’ai été assez fou pour monter sur scène. J’ai joué de la guitare, et le public a chanté pendant plus de deux heures ! Les spectateurs pleuraient, à la fois malheureux pour moi et ravis de communier tous ensemble. Vous voyez : j’ai eu le Covid-19, je me suis cassé le col du fémur, j’ai passé deux mois à l’hôpital, mais je suis un battant et je ne me défile pas. Pour peu que ma voix tienne, j’espère chanter longtemps encore.
Enrico (les « vrais » prononcent Anrico !) Macias est une figure connue de tous. Sociétaire des Grosses Têtes, assis sur le canapé rouge de Michel Drucker, en Smoking dans les années 80 sur les plateaux de Champs Elysées, Sacrée Soirée ou de L’école des fans, devisant avec Patrick Sabatier, Guy Lux ou un peu plus tard dans les émissions d’Arthur, au cinéma dans « La vérité si je mens », dans les travées du Parc des Princes ou sur la scène de la concorde le soir de l’élection de Nicolas Sarkozy, Enrico promène son accent, sa gueule et sa générosité de Pied Noir depuis maintenant plus de 6 décennies. Il fait tellement partie du paysage que l’on en oublierait presque qu’il est musicien et chanteur. D’ailleurs combien d’entre nous (et moi le premier) sont en mesure de citer ne serait-ce qu’une seule de ses chansons en dehors des « Filles de mon pays », « Le mendiant de l’amour » ou « Enfants de tous pays » ? Vous l’aurez donc compris, c’est donc un peu par hasard que je me suis retrouvé assis dans la mezzanine de l’Olympia pour ce concert célébrant les 60 ans de carrière de l’enfant de Constantine. Je ne savais absolument pas à quoi m’attendre : une kitcherie absolue, un tour de chant en mode variétés à l’ancienne, un concert relevé des compteurs… Je n’allais pas être au bout de mes surprises !
Lorsqu’à 21 h, le grand rideau rouge d’un Olympia bourré à craquer d’un public multi générationnel, s’ouvrit ce fut un premier choc. En effet pas moins de 20 musiciens étaient présents dans une scénographie à plusieurs niveaux particulièrement bien mise en lumières ! Au moins 3 percussionnistes, 3 choristes, 3 violonistes et pas loin d’une dizaine de joueurs de oud et d’instruments traditionnels orientaux, de pianistes et une formation classique basses, guitares faisaient résonner des sonorités orientales pour préparer l’entrée sur scène de la vedette dont le nom était écrit en lettre rouge sur le fameux fronton du boulevard des Italiens.
C’est sous un tonnerre d’applaudissements que l’homme de 83 ans se place sur le devant de la scène. Si L’homme et sa voix paraissent quelque peu émoussées par le poids des années, l’envie de jouer de chanter et de donner au public un véritable spectacle de qualité est plus que palpable. Pendant une première partie qui durera 1 heure un quart, Enrico s’attaque à son répertoire en mode tour de chant à l’ancienne avec des arrangements folkloriques très travaillés à 1000 lieux des sonorités eighties pleine de synthétiseurs que l’on avait en tête. Avec des chansons comme « Rien que du bleu », « Paris tu m’as pris dans tes bras », « Adieu mon Pays », « Les oranges amères », « La France de mon enfance » et la quasi-totalité du répertoire de cette première partie, il chante le blues du Pied noir arraché à sa terre constantinoise au début des années 60.
Je découvre de très beaux textes poétiques ou il n’est quasiment question que d’une nostalgie pleine de soleil, d’oliviers, d’odeurs d’épices, d’oranges amères et d’amandiers, du bleu du ciel et de la mer Méditerranée, du spleen du déraciné arrivant dans une métropole grise. Sur le très beau « Les gens du nord » Enrico montre aussi qu’il est un guitariste très fin et subtil dans un style arabo andalou. La plupart des refrains de ces chansons sont repris en chœur par un public plus que fidèle, probablement principalement composé lui aussi de pieds noirs parisiens, qui réserve à chaque fois moult applaudissements à Enrico qui semble se nourrir avec délectation de cet amour qui lui est adressé.
Après un entracte de 20 minutes, le rideau rouge s’ouvre à nouveau sur une scène scintillante de mille feux, ou tel Roger Hanin dans « La rumba », Macias se présente en smoking tel en meneur de revue. La tonalité musicale de cette deuxième partie se veut résolument plus festive, folklorique et dansante que la première. On se retrouve comme téléporté dans un mariage oriental. Ça danse, ça chante de partout. Les youyous et « lai lai lai » résonnent des quatre coins de la salle. Si les titres comme « Les filles de mon pays ou « Le mendiant de l’amour », avec de fabuleux arrangements arabo andalous, font leur effet, Enrico Macias semble vouloir célébrer et rappeler à tout le monde quelles sont ces racines musicales. Fils d’un musicien de l’orchestre de malouf arabo andalou de « Cheikh Raymond », dont il fut lui aussi membre comme joueur de oud à la fin des années 50, Enrico est probablement l’un des derniers grands ambassadeurs de ce style qui savait réunir juifs, musulmans, arabes, kabyles et gitans andalous dans une même ferveur dans les mariages et fêtes de village d’une Algérie qui n’existe plus. Avec un bonheur et une générosité qui illumine son visage, Macias se lance dans des mélopées kabyles ou des chants gitans qui mettent littéralement le feu à l’Olympia. Les youyous redoublent de vigueur dur « Ya rayah », « Bel tar ou el oud » alors que l’orchestre oriental donne toute sa vigueur, avant que le spectacle se termine sur une version ultra festive de « L’oriental ».
On quitte donc l’Olympia le sourire aux lèvres, et prêts à embrayer sur un cycle de cinéma spécial Alexandre Arcady avec « Le coup de sirocco », « Le grand carnaval », « Le grand pardon » et « Ce que le jour doit à la nuit » … C’est donc un très beau voyage musical auquel nous a invité Enrico. Un voyage plein de folklore et de traditions, comme peuvent l’être dans des genres différents les répertoires d’I Muvrini pour la Corse, d’Alan Stivell » pour la Bretagne, de Gheorghe Zamfir pour la Roumanie, des Dubliners en Irlande, de Theodorakis en Grèce ou de Manitas de Plata et Paco de Lucia pour le flamenco. A l’arrivée on était bien plus dans les musiques du monde que dans la variété des plateaux de Michel Drucker. Et si l’on doit trouver un dernier adjectif qualificatif pour décrire ce spectacle, ce sera bien évidemment : la générosité…
Après une première soirée éblouissante, la seconde ne l’a pas moins été à plus d’un titre
Comme la veille, le concert se tient à guichet fermé et la salle est comble à l’heure de l’ouverture du rideau.
22 musiciens occupent l’espace scénique sur trois niveaux dans une magnifique scénographie de Julie Noyat et une création lumière de Loic Marafini de « La Fabrique à projets ».
Le concert débute au son envoûtant du ney (flûte) de Kamel Labbaci, posant en quelques notes le décor, puis l’orchestre entonne les premières mesures de l’intro et c’est le délire qui débute dans la salle.
Le spectacle est conçu en deux parties. La première reprend les grands succès représentatifs qui ont jalonné les 60 années de carrière de l’artiste. Symon, petit fils d’Enrico, y est l’invité de son grand père pour interpréter un de ses titres « Paris ». Noa R, la jeune chanteuse suisse dont nous vous avons déjà longuement parlé, reprend en duo avec son parrain « Malheur à celui qui blesse une enfant ».
La seconde nous entraine au son de la musique arabo andalouse et orientale pour se terminer en apothéose par la fête dont seul Enrico a le secret. L’orchestre oriental y fait son entrée avec Kamel Labbaci au oud et au violon, le virtuose du quanoun, Nidhal Jaoua ainsi qu’Hafid Djemai à la mandole. Le Gyps’and latin Orchestra a mis l’ambiance dans la « casa del sol » et accompagné la partie festive de tout son talent. Les arrangements et l’orchestration conçus par Jean Claude Ghrenassia en collaboration avec Lionel Teboul et Bruno Bongarçon sont majestueux, nous rappelant la grande époque de Jean Claudric
Mais ce deuxième concert restera aussi dans les annales comme un concert unique. Atteint d’une bronchite depuis quelques jours, et après la très belle prestation de la veille, Enrico est arrivé à l’Olympia ce dimanche, presque totalement aphone. Pourtant, attendant ce moment depuis 3 ans, ne voulant pas décevoir son public, il décide malgré tout de maintenir le concert et de monter sur la scène. « Tel un boxeur, je suis un peu groggy mais pas KO. Je continuerai et j’irai au bout de ce concert » dit il à son public. Et parce que c’est Enrico, et que son public est ce qu’il est, qu’il existe entre lui et tous ces gens qui se sont déplacés pour le voir des liens très particuliers, il a été donné à chacun de vivre deux heures de grande émotion. D’une part Enrico se battant avec toute son énergie et son professionnalisme pour assurer le spectacle, et le public qui n’a cessé de l’ovationner, de chanter pour le soutenir, d’applaudir et de lui crier son amour. Les musiciens aussi ont été exceptionnels tout comme Symon, Noa R. ou le Gyps’ and Latin orchestre, chacun apportant sa part à cette montagne d’amour pour soutenir Enrico.
Il nous a été donné de palper de manière tangible l’amour réciproque et indéfectible qui existe de façon éternelle entre cet artiste et son public.
« Je vous aime. Toute ma vie je me souviendrai de ce concert. Vous êtes formidables. Merci » a dit Enrico, la main sur le cœur.
Oui Enrico, nous nous souviendrons toujours de cet Olympia et de ce 60ème anniversaire.
Nous vous souhaitons maintenant un prompt rétablissement et vous retrouvons très bientôt sur d’autres scènes.
Merci à Sud Concerts, à Laurent Abitbol et à Jean Claude Ghrenassia, à La Boite à Projets pour l’organisation de ce beau show Merci aux musiciens : Bruno Bongarçon, Abdenour Djemai, Philippe Hervouet, Amar Mohali, Serge Haouzi, Stéphane Bonvent, Jean Claude Ghrenassia, Kamel Labbaci, Lionel Teboul, Hafid Djemai, Nidhal Jaoua, Nadine Collon,, Isabelle Jadot, Lysiane Metry, Cécile Boursier, Caroline, Chrystelle, Sophie, Nicolas et les trois choristes.
Avec son autorisation, nous reproduisons ici le témoignage d’une fan qui nous a contacté après le concert. Ses propos résument parfaitement ce que chacun a vécu. « J’ai assisté au spectacle d’Enrico à l’Olympia et je tenais à vous faire part de mon ressenti dans le public. Merci pour cette scène de l’Olympia qui restera gravée dans toutes les mémoires. Malgré les soucis de santé, Enrico a assuré son spectacle et il a été cash avec son public.
Et je pense que son honnêteté a beaucoup touché les personnes dans le public. Moi-même j’ai versé ma petite larme quand j’ai entendu sa voix qui s’en allait. J’avais mal pour lui et ça m’a déchiré le coeur. J’ai eu l’image d’un toréro dans une arène dans mon esprit. Il s’en est super bien sorti et je lui tire mon chapeau. Son public l’a porté. Il a assuré jusqu’au bout. Il n’y a pas eu de 1ère partie ni de 2e partie, il a tout fait. On peut dire ce qu’on veut, on lui doit un grand RESPECT. Mais vous pouvez lui transmettre que tout le monde était content, que le public était parfaite communion avec lui.
Aussi je voulais applaudir et remercier tous les musiciens et choristes qui ont été géniaux et on était au top pour leur prestation 👏🏼👏🏼👏🏼 C’était génial Bravoooo à tous 🎶💫🌹 Il aura toujours son public pour le soutenir Le public a vu qu’il n’y avait pas de playback. Qu’il chantait avec son coeur et qu’il nous donnait tout ce qu’il lui restait J’ai passé une excellente soirée Merci pour tout » PDP
60 années à parcourir le monde, sa guitare à la main, pour fouler toutes les scènes les plus prestigieuses et envouter les publics les plus difficiles. 60 années durant lesquelles il a traversé tous les courants culturels et musicaux sans jamais perdre son identité, ses racines et ses valeurs. 60 années au cours desquelles il a non seulement su garder son public originel mais a réussi aussi à l’élargir jusqu’à réunir toutes les communautés pour un hymne à la tolérance, à la paix et à l’amitié.
Peu d’artistes peuvent se targuer de 60 années de carrière et, à 83 ans, c’est sur sa scène fétiche de l’Olympia qu’Enrico Macias nous avait conviés hier soir, 2 avril 2022, pour fêter cet anniversaire d’exception.
Et le spectacle, totalement inédit, a été à la hauteur de l’évènement. Conçu comme une synthèse de ces 60 années de carrière, il a pris vie dans un décor digne de Broadway et des grands shows à l’américaine. Un orchestre de 22 musiciens et 3 choristes offraient à l’artiste un écrin musical digne de la grande époque de Jean Claudric. La flute, le oud et le qanoun, absents depuis de si nombreuses années des spectacles d’Enrico, nous ont enchantés de leurs sonorités orientales.
Porté par une telle scénographie, Enrico a été, quant à lui, éblouissant.
Littéralement soulevé par un public survolté, il nous a fait voyager de surprise en surprise. De la lampe d’Aladin, en passant par la fete orientale ou encore Le grain de sable, il nous a offert des joyaux de son répertoire que, pour au moins l’un d’entre eux, il n’avait jamais chanté sur scène. De moments d’émotion en moments de fête, il nous a offert 3h de bonheur et de communion intenses. La salle en délire lui a fait une ovation de bout en bout et n’a pas fait économie de youyous et d’applaudissements.
Mais la fête n’est pas finie puisque nous y retournons cet après midi. Alors rendez vous demain pour d’autres détails
Le plus célèbre représentant des pieds-noirs, en concert ce vendredi 18 mars au Pasino de La Grande-Motte, raconte ses souvenirs à Constantine, son départ d’Algérie et ses espoirs d’une réconciliation.
Quels sont vos souvenirs d’enfance à Constantine ? Comment était la vie là-bas ?
La vie était belle. À l’âge de 10 ans, mon enfance se partageait entre Constantine et un petit village à 60 km qui s’appelait Jemmapes. Mes grands-parents avaient un magasin de tissus là-bas. J’ai passé toute mon enfance chez eux, c’est ma grand-mère qui m’a élevé. Mon père était un violoniste de musique arabo-andalouse. Il jouait avec celui qui allait être plus tard mon beau-père, Cheikh Raymond, avec qui j’ai d’ailleurs commencé.
Quand vous avez des épreuves dans la vie, c’est inutile d’avoir du ressentiment ou de la haine
Cheikh Raymond a été assassiné. Comment cette tragédie a changé le cours de votre vie ?
La veille de son assassinat, j’étais invité au mariage d’un ami. Comme ça s’est terminé très tard et qu’il y avait le couvre-feu, je suis rentré chez moi très tôt le lendemain matin. Je dormais et j’ai entendu des cris. C’était mon grand-père qui criait : « On a tué Raymond, on a tué Raymond ! »
J’ai cru que je faisais un cauchemar mais je me suis réveillé et c’était la réalité. On avait assassiné tonton Raymond. Je suis sorti de la maison comme un dingue pour essayer de voir ce qui se passait près de l’hôpital, car il avait été tué devant. Il est mort sur les marches de l’hôpital. Puis je suis allé voir ma future belle-mère et ses enfants. J’étais catastrophé comme eux.
Ma vie a changé immédiatement car son assassinat a eu pour conséquence le départ de Constantine de toute la communauté juive. Moi, je suis parti le lendemain.
Comment avez-vous été accueilli à votre arrivée en France ?
On n’a pas été très bien accueillis… À part quelques-uns qui nous ont aidés… On a été très mal accueillis, très mal.
Votre premier succès c’est avec « Adieu mon pays » ?
Oui mais ce n’était pas un succès retentissant. Ça n’avait pas dépassé le cadre de ma communauté. Entre-temps, j’avais sorti Enfants de tout pays. C’est ce titre-là mon premier succès. Enfant de tout pays, Le grain de blé… parlent comme beaucoup de vos chansons, de paix et de fraternité.
Pourquoi ces valeurs sont-elles aussi importantes pour vous ?
Elles sont importantes parce que, quand vous avez des épreuves dans la vie, c’est inutile d’avoir du ressentiment ou de la haine. D’ajouter de la haine à la haine, à la méchanceté, à l’injustice… J’ai choisi le contraire. J’ai choisi de répondre par la tolérance et par la fraternité. Vous n’avez jamais eu le droit de retourner en Algérie.
Avez-vous encore un espoir de pouvoir y chanter un jour ?
J’ai 83 ans. Ça me paraît difficile mais il ne faut jamais dire que c’est impossible. C’est une question de destinée. Comme je suis parti d’Algérie, c’était ma destinée. Peut-être que mon retour, ça sera aussi ma destinée. Je ne sais pas.
L’Algérie vous manque beaucoup ?
Oh oui, l’Algérie me manque énormément. C’est ma terre natale. Quand je vois qu’on peut aller dans le monde entier en avion dont l’Algérie et que je ne peux pas y aller, c’est dur.
Que souhaitez-vous aujourd’hui à l’Algérie et à la France ?
Je suis le chantre de la paix et de la fraternité. Je voudrais qu’on n’oublie pas les morts des deux côtés ni l’histoire. Mais maintenant que c’est fait, pourquoi ne pas se raccommoder ? Au lieu de faire de la repentance. Tout ça ne sert à rien. Il faut mettre sur pied un plan de réconciliation. Je souhaite la réconciliation entre la France et l’Algérie. Je crois toujours aux belles choses. Je suis un positif dans tout. Alors…
Quel pied-noir êtes-vous ?
Je suis leur représentant. Je suis juif, pied-noir, algérien et français. Tout simplement.
Pour fêter ses 60 ans de carrière, Enrico Macias débutait sa tournée jeudi et vendredi derniers dans les Pasinos d’Aix en Provence et de La Grande Motte.
Et comme les fidèles fans du chanteur le savent, dans chaque Pasino, il y a une salle de spectacle nommée « Enrico Macias ». Le Pasino de la Grande Motte a d’ailleurs profité de cette occasion pour fêter les 10 ans d’existence de sa salle et installer une nouvelle plaque commémorative en compagnie de l’artiste. (Ci dessous une photo de l’inauguration et la remise de la plaque commémorative à Enrico Macias)
Au cours de ces deux soirées, nous avons retrouvé avec beaucoup de plaisir la jeune Noa R. en première partie de spectacle.
Nous avons le bonheur de la voir évoluer concert après concert, prendre de l’assurance et transmettre beaucoup de plaisir et d’émotion au public qui ne s’y est pas trompé et lui a réservé un franc succès et des applaudissements nourris.
Bravo Noa ! Beau parcours !
Rendez-vous à l’Olympia !
Puis, le temps de laisser les musiciens s’installer, la chaleur monte encore d’un cran dans la salle. Et le public commence à frapper dans ses mains et à appeler Enrico. On s’impatiente, on trépigne, pressé de commencer la fête. Les trois coups de baguette du batteur donnent le signal, et les premières notes d’enfants de tous pays emplissent l’espace. Le public scande immédiatement le rythme dans les mains, et lorsque la chevelure blanche d’Enrico se devine au fond de la scène une ovation s’élève. La joie est déjà dans tous les cœurs et le soleil sur toutes les lèvres. Non seulement le soleil est sur scène mais c’est toute la Méditerranée qui est là dans la salle et ça s’entend et se voit.
Enrico, cheveux courts et silhouette affinée, sourire éclatant aux lèvres, a mené la fête de main de maître de bout en bout, soutenu par un public déchainé qui n’a pas été avare en youyous et en olés. Reprenant tous les refrains, d’ « une fille à marier » à « l’oriental » en passant par « les filles de mon pays », les 800 personnes présentes ont manifesté leur bonheur de partager ces moments de joie et de fête. Après tant de mois de privations et de drames dans le monde, alors que les masques sont tombés et qu’on peut enfin lire le bonheur sur les visages, c’est un véritable kiff que chacun a vécu, dans la salle comme sur scène. Ces instants magiques nous les devons à Enrico Macias et ses 7 fidèles musiciens, Bruno, Jean Claude, Lionel, Amar, Abdenour, Serge et Kamel, excellents musiciens et artistes au grand cœur que nous remercions très chaleureusement
Merci aussi à Sud Concerts qui nous a organisé ces concerts et à tous les techniciens dont Jean Pierre et Greg.
Notre prochain rendez vous sera boulevard des Capucines les 2 et 3 avril pour fêter tous ensemble les 60 ans de carrière d’Enrico. Nous y serons nombreux ! Au plaisir de tous vous revoir à cette occasion
Liste des chansons
Enfants de tous pays Une fille à marier Aux talons de ses souliers Adieu mon pays Le voyage Paris tu m’as pris dans tes bras et medley La femme de mon ami Solenzara Les gens du nord Les filles de mon pays Le violon de mon père Shabehi Yerushalaim Medley oriental Ya Rayah L’oriental El Porompompero Le mendiant de l’amour
Ça fait plus d’un demi-siècle qu’on le fredonne. Des décennies qu’à chaque fois qu’on entend quelques notes s’envoler de sa guitare on se dit “ah, oui, c’est lui”
Enrico Macias entame une tournée consacrant ses 60 ans de carrière. Un tour de chant qui reprend son dernier album, sorti en 2019 et réalisé avec ses fidèles musiciens d’Al Orchestra. C’est au Pasino d’Aix-en-Provence, le 17 mars prochain, que cette tournée débute… dans la salle de spectacle qui d’ailleurs porte son nom. Il est la Méditerranée à lui tout seul, mais Enrico Macias est aussi un immense chanteur populaire français qui peut s’enorgueillir d’un parcours sans faute. Il nous offre à nouveau la chaleur de ses interprétations sur scène. Un entretien à savourer en imaginant en même temps s on irrésistible accent chantant.
ToutMa : 60 ans de carrière et 80 ans passés ! On a tous grandi avec vous… Votre secret pour rester si beau et plein d’énergie ? Vous pratiquez un sport ?
Enrico Macias : (éclat de rires)… Je dors ! Je suis un couche-tard mais je me lève tard aussi et surtout je dors bien ! Souvent mon fils me le reproche. Je lui réponds que si je suis comme ça à 83 ans, c’est parce que JE DORS ! (rires) Et non, je ne fais pas de sport, je ne fais rien d’autre que de la musique.
TM : Chez nous, à Marseille, vivent de grandes communautés méditerranéennes. Sont-elles toujours les piliers de votre public selon vous ?
EM : Oui, bien sûr ! Moi, je réunis toutes les communautés. Dans mes spectacles, il y a toujours une diversité incroyable. Et c’est surtout un moment de paix. Et puis les générations se sont renouvelées. Ces dix dernières années, je me suis aperçu que le public rajeunissait. J’ai compris que c’étaient les enfants et même les petits-enfants de ceux qui aimaient déjà mes chansons. Je suis intergénérationnel, et ça, ça me fait plaisir (sourire).
TM : Ce tour avec Al Orchestra est très élégant, tous en costumes sombres un peu à l’ancienne et vous, trônant au milieu comme Il Maestro… Un message subliminal ou juste l’envie d’être chic ?
EM : Oui, un peu « mafia », vous voulez dire, c’est ça ? (rires) Je dirais que je me pose plutôt en patriarche… Que je suis ! Mais vous savez, on n’y a pas vraiment réfléchi. On a fait ça assez spontanément. Naturellement même, je dirais… D’ailleurs, j’ai toujours improvisé dans les spectacles. Les musiciens le savent et me suivent du coin de l’oeil. Je leur dis toujours d’être attentifs car ce n’est jamais exactement comme on a répété. (rires)
TM : Dans votre répertoire, il y a plus d’une centaine de chansons. Quelle est celle qui vous met le plus en joie ?
EM : Mais je les aime toutes, puisque je les ai composées ! Ce n’est pas la joie qui compte le plus pour moi, c’est l’émotion. Celle que je donne aux gens et qui rejaillit sur moi. Mais puisque vous insistez, celle que je préfère, c’est Adieu mon pays… (sourire nostalgique)
TM : Votre beau-père était votre mentor. Que vous a-t-il transmis ?
EM : Il a d’abord réveillé mes propres racines musicales, puisque mon père était violoniste. Il m’a permis de jouer dans son orchestre, tout jeune, alors que tous les musiciens étaient âgés, et d’apprendre la musique arabo-andalouse, à la guitare. Il m’a appris la scène avec toute sa rigueur. Quand je suis arrivé en France, j’avais déjà du métier et c’était grâce à lui.
TM : Malgré la nostalgie d’un pays perdu, vos textes ont toujours été porteurs d’espoir et de joie de vivre. Vous incarnez cela. Est-ce toujours en vous ?
EM : Après la nostalgie, il y a toujours la joie et l’espoir car sans lui, on ne peut pas vivre. Dans la vie, on traverse tous des choses difficiles. Moi, en arrivant en France, non seulement j’étais orphelin de mon beau père, de mon pays mais je l’étais aussi de la musique arabo-andalouse. Mais grâce à tout ce que j’ai fait, j’ai pu participer à des festivals énormes comme les Vieilles Charrues ou le Printemps de Bourges pour y rejouer la musique arabo-andalouse, et rendre ainsi hommage à mon beau-père et à mon pays.