La musique arabo andalouse

Introduction

La musique arabo andalouse fait partie de la musique classique du Maghreb

ENRICO MACIAS a été bercé par cette musique dont un des maîtres reconnus était Cheikh RAYMOND LEYRIS

Notre objectif, sur ces pages, est de vous parler de cette musique et de l’importance capitale qu’elle revêt pour ENRICO MACIAS en étant pour lui une source d’inspiration intarissable depuis le début de sa carrière.

Mais nous n’avons pas la prétention de vous présenter ce genre musical dans toute son étendue et sa compléxité. Aussi, si ce sujet vous interesse, nous nous efforcerons de vous proposer des liens qui puissent répondre à vos attentes

N’hésitez pas, par l’intermédiaire du « CONTACT » à nous faire part de vos réfléxions, vos avis, vos connaissances, nous proposer éventuellement vos documents

Introduction et héritage politique

Nous sommes le 2 janvier 1492. C’est le crépuscule. Devant nous s’offre le décor majestueux du palais d’El Hamra « ALHAMBRA » surplombant une plaine verdoyante irriguée par El Oued El Kébir « Guadalquivir ». Un homme debout, tout de blanc vêtu, jette un dernier regard sur le paysage. C’est le roi Bouabdil, Abou Abdoullah, dernier souverain de Grenade.
Il pleure la fin de huit siècles de présence arabe en Andalousie. S’il donnait le signal de l’exode définitif des musulmans et des juifs vers des rives hospitalières toutes proches, s’il faisait taire le sanglot de la chanson qu’un grand peuple avait su savamment et amoureusement composer durant des siècles, il léguait cependant à l’Algérie comme à tout le Maghreb, l’héritage le plus précieux et miraculeusement préservé d’une civilisation faite de savoir et de tolérance et qui a transmis à l’humanité entre autres cultures, une musique née du mariage merveilleux du classicisme antique et de la sensibilité orientale. Le miracle donc, se perpétue de nos jours et sous nos yeux. Il est dans l’éclatante survivance de cette musique dite « arabo-andalouse » dont les Algériens comme tous les Maghrébins ont fait leur musique classique.

Des cités privilégiées, promues providentiellement au rang de véritables cités conservatoires, ont reçu pour mission de veiller sur cette merveilleuse tradition artistique avec la seule mémoire des hommes, sans le secours d’aucun signe, ni écriture particulière, hormis des textes littéraires chantés d’innombrables poètes.

Comment une musique aussi riche et subtile née dans les cours arabes de l’Andalousie, il y a huit siècles, a t’elle pu se développer au Maghreb jusqu’à nos jours ? Le mérite revient tout d’abord à cette diaspora arabe et juive contrainte à l’exil, mais qui a su transmettre cet héritage, telle une flamme sacrée, par simple enseignement oral, de génération en génération. Le mérite revient ensuite à ces hommes et ces femmes, vulgarisateurs ou musiciens, de talent ou de fortune, qui, à force d’abnégation et d’ingéniosité, se sont attelés à cette immense et redoutable tâche de sauvegarde d’un patrimoine musical qui fait partie, désormais, de notre mémoire collective

Parmi ces rares initiés, émerge la figure emblématique de CHEIKH RAYMOND 

Raymond Leyris

Ce grand maître a apporté une précieuse collaboration à la valorisation du MALOUF et cela, dans le respect de la pure tradition de la musique Arabo-Andalouse. 
Musicien et chanteur pétri de talent qui figure dans la prestigieuse lignée des Chouyoukhs (pluriel de cheikh : érudit), il a toujours veillé à la maîtrise instrumentale impeccable, à la poésie dépouillée et à la diction soignée en perpétuant cette mémoire. Ce natif de Constantine, où il fut l’élève prodige de deux grands maîtres, Abdelkrim BESTANDJI, et Omar CHEKBAL, n’a ménagé aucun effort pour donner au Maalouf ses titres de noblesse. Et tel ces troubadours andalous de la période médiévale, il nous a fait et continue de nous faire vivre des émotions intenses que tout être humain entretient au fond de lui-même et qu’il véhicule à travers le temps et l’espace. Cela peut être des tableaux de piété et de soumission à Dieu ou, tout simplement, l’expression des valeurs et des sentiments tels que la tolérance, la mansuétude, le courage, l’amour ou la nostalgie.

Cheikh Raymond LEYRIS n’est autre que le maître spirituel et le beau-père de Gaston GHRENASSIA

Il est donc tout à fait naturel qu’ ENRICO MACIAS soit l’héritier légitime de cette tradition musicale qui l’a bercé depuis sa tendre enfance et dont il a reçu ses premières leçons d’harmonie. Elle a influencé toutes ses créations, depuis « Adieu mon pays » jusqu’à « La vie populaire ».
Mais la première composition complète et intégrale qui vient de la musique arabo-andalouse a été signée sur un très beau texte qui parle justement de l’exil. Il s’agit, en l’occurrence, de « Aux talons de ses souliers ». Les inconditionnels ou fans d’ Enrico Macias n’ont pas besoin d’autres indications pour faire le tour de son répertoire

Entre l'orient et l'occident

Les grandes écoles

Boabdil se rendant à Ferdinand et Isabelle (Tableau de Francisco Pradilla y Ortiz)

 

En 1492 donc, les rois catholiques (Ferdinand II et Isabelle de Castille) achèvent la reconquête de l’Espagne en chassant le dernier souverain musulman Bouabdil. Son départ met fin à la présence des juifs et des arabes dans la péninsule Ibérique les obligeant à trouver refuge dans le Maghreb où ils s’installent avec les fruits de huit siècles de culture très riche, caractérisée entre autre, par la diversité d’une musique

 

Trois principaux pôles musicaux andalous ont été le berceau de cette musique. Aujourd’hui, les pays du Maghreb s’identifient clairement comme étant les héritiers directs de ces pôles historiques. Fès et Tlemcen d’abord, furent les deux premières cités à recueillir, dès la fin du 15ème siècle après la chute de Cortoba (Cordoue), le premier flux d’immigrés qu’elles partagèrent avec leur satellite : Tétouan, Oran, Nedroma et Mostaganem. C’est là qu’est née la première école dite HAOUZI ou

GHARNATI (Haouzi vient du verbe arabe « yahouz » qui se traduit par le verbe « isoler » et qui signifie ici « Tlemcen extra muros » parce que ces exilés ne pouvaient pas s’installer directement dans les cités. Gharnati veut dire « de Grenade », Grenade qui se prononce en arabe « gharnata »).

Puis ce fut le tour d’Alger, Koléa, Blida et Béjaia où a été fondée une deuxième école qui est, tout comme la première, issue de la tradition Arabo-Andalouse mère. Cette école est appelée SANAA (qui signifie « métier ou encore artisanat ») ou CHAABI (qui veut dire « musique populaire »). C’est enfin à Constantine, Annaba et Tunis que vinrent mourir les dernières vagues du reflux, chargées des derniers messagers. Et c’est à Constantine que l’on revendique ce contact le plus direct avec cette tradition musicale dont la capitale spirituelle de l’Algérie, retranchée sur le rocher dans l’arrière pays, cultive la mémoire avec dévotion. C’est en effet à Constantine que les rythmes des « Zoudjours » (troubadours) palpitent avec le plus d’authenticité et c’est à Constantine que se perpétue ce style Arabo-Andalou qui a permis la fondation de la troisième école appelée MAALOUF (qui vient de l’arabe « oulfa » et qui veut dire « la chose à laquelle on s’habitue »)

Nous allons, dans ces pages, nous limiter à parler de l’Algérie pour distinguer les trois écoles nées de l’arrivée massive de ces déracinés et de leurs apports artistiques :
– Le Gharnati de Tlemcen qui a donné naissance au Haouzi
– Le Saana d’Alger qui a donné naissance au Chaabi
– Le Malouf de Constantine

Le Haouzi

"Istikhbar enhabbek"
Reinette l'oranaise accompagnée au piano par Mustapha Skandrani

Le Haouzi est un genre poétique qui est né dans la banlieue de Tlemcen et s’est répandu au sein des populations citadines. En l’absence de documents situant précisément son émergence, on peut affirmer que Said EL MENDASSI a été le premier poète populaire au cours du XVIeme siècle à l’avoir consacré.

Du point de vue linguistique, le Haouzi se distingue par l’emploi de la langue usuelle populaire de l’époque. C’est une longue poésie qui compte des strophes constituées en refrains (Aqfal) et en couplets (Adouar). Les spécialistes en attribuent avec certitude l’origine socio-historique à la ville de Tlemcen et ses alentours. 

Ses principales variantes sont appelées M’senaa, Goubahi, Bérouali et Zendali. Les concepteurs de ce genre sont tous d’origine tlemcenienne et ils se sont inspirés du patrimoine arabo-andalou pour y apporter les dernières perfections savantes. Parmi les plus célèbres de ces poètes et musiciens, on peut citer Benmessaieb ou encore Mohammed BENSAHLA. 

Toutefois, il est nécessaire de signaler que cette dernière école algérienne est appelée aussi Gharnati ( de Grenade ) que côtoyait justement le genre Haouzi et c’est la spécialité de la ville de Tlemcen mais aussi de Rabat et Oujda au Maroc. 

Cheikha TETMA, El Arbi BENSARI, Reinette L’Oranaise, Séoud l’Oranais, Fadila DZIRIA, Abdelkrim DALI, Sallomon AMZALLAG connu sous le nom de Samy EL MAGHRIBI sont quelques uns des maitres de cette école. Aujourd’hui, le plus illustre des représentants du Haouzi est Nacer Eddine CHAOULI.

C’est la deuxième école issue de la tradition arabo-andalouse. Elle s’appelle en réalité « Sanaa » qui veut dire: œuvre élaborée.
Pourquoi deux appellations?

A l’aube du XIIème siècle, nait au Maroc le « Melhoun ». Il s’agit d’un style poétique développé dans une forme littéraire qui ne respecte pas la structure grammaticale classique de la « Qacidah » (poème chanté). Louanges, exhortations et printaniers (Koum tara ) sont les principaux tableaux dressés et le plus souvent évoqués dans

En Algérie, Cheikh Mustapha NADOR est le maître incontesté de ce style. Il a légué ce savoir à l’un de ses prodigieux élèves en la personne de Cheikh M’hammed El ANKA. Ce style de musique était d’abord appelé « Medh » (Louanges au prophète et remerciements au Miséricordieux). Puis, en 1947, il est baptisé définitivement « Chaabi » qui vient de « Chaab » et qui veut dire peuple. Il s’agit donc d’une musique populaire. El Anka a gardé la base du verbe ciselé du Melhoun et l’a parfaitement adaptée à l’esprit de la Nouba héritée de la musique arabo-andalouse. Cette musique commence par une « Touchia » ( Bacheraf à Constantine ) en interprétant toutes les suites de la nouba pour finir avec un Insraf. (Voir Nouba ). El Anka est considéré comme le père du chaabi et le créateur de ce genre.

Boudjemaa EL ANKIS, Ammar EZZAHI, Dahmane EL HARRACHI, El Hachemi GUEROUABI sont quelques uns de ces grands artistes du Chaabi. Aujourd’hui, la tradition se perpétue grâce au flambeau passé par les anciens à des noms tout aussi célèbres comme Mehdi TAMACHE, El KOUBI, Abdelkader CHERCHAM……
De nouveaux artistes ont cherché à réaliser un travail de recherche respectable en apportant des touches différentes comme Réda DOUMAZ…
Contrairement à Tlemcen et Constantine qui préfèrent l’Oud, la mandole est l’instrument de prédilection de tous les maitres du Chaabi et comme les deux autres écoles qui n’admettent pas les instruments modernes dans leurs formations, celle-ci a adopté le piano comme seul instrument occidental.

Le Malouf

De Omar CHAKBEL à Salim FERGANI, de Raymond LEYRIS à Enrico MACIAS, le Malouf est la troisième école algérienne de la musique arabo-andalouse. A Constantine, elle s’inscrit dans son mysticisme et les chouyoukhs en respectent les règles strictes du canevas traditionnel. Elle s’est enrichie au cours des siècles, a subi les influences locales mais a su rester dans son originalité telle qu’elle a été transmise il y a de cela près de sept siècles. De Constantine jusqu’à Tripoli voir même Istanbul, les juifs et les arabes chassés d’Espagne ont légué à cette région du monde un héritage sans pareil, qui est le fruit d’une grande civilisation et le symbole d’une réelle fraternité.

Les deux grands centres du malouf sont Constantine et Tunis. Hormis quelques artistes tunisiens qui se sont essayé au Malouf comme, Oulaya, Raoul JOURNO, Cheikh EL AFRIT, Saliha, ou encore Maurice MEIMOUN, les plus grands noms de cette tradition sont incontestablement Khmais TERNANE, Tahar GHARSA ( son fils Zied aussi perpétue la tradition ) et Lotfi BOUCHENAK. En Tunisie, le oud et le qanoun sont les instruments phares dans les formations du malouf. L’année 1934 vit la naissance d’un institut de musique tunisienne connu sous le nom de « El Rachidia ». Il préserve le patrimoine Arabo-Andalou, organise des festivals et développe l’étude des textes et des chansons. C’est dire que le malouf suscite un grand intérêt et est promu à une longue vie.

On ne peut pas parler de Constantine sans évoquer le malouf. La culture de cette ville est directement liée à des grands noms de cette musique où le oud et le violon alto sont rois. La destinée de Constantine, sa raison d’être et son devenir n’ont qu’un seul nom : Le malouf. Jalousement gardé à travers les siècles et oralement transmis dans les cénacles, ce patrimoine a résisté à toutes les influences étrangères. Il a son style pour se retrouver aujourd’hui entre des mains bien conservatrices qui le prédestinent à un avenir florissant.

Bestandji, Raymond LEYRIS, Mohammed Tahar FERGANi, Hamdi BENANI et tant d’autres artistes auront légué à leur tour un héritage culturel d’une richesse incomparable. Enfin, il est à signaler que Kaddour DARSOUNI a publié un ouvrage sur le malouf. A lire absolument.

Dans le DVD « hommage à Cheikh Raymond » à Bourges, on peut clairement écouter Enrico évoquer certains de ces instruments dans la vingt et unième piste intitulée justement « Bettar ouel oud ».
Voici le texte traduit:

Bettar ouel oud
werrabayeb
el kas wel khamra
wel habib
Bettar ouel oud
wedderbouka
koulou maaya
lila mabrouka

Avec le tambourin et le luth
et les rababs
le verre et le vin
et mon amour
Avec le tambourin et le luth
et la derbouka
dites avec moI
que c’est une nuit bénie…………

« I faradje rabbi »
Numéro Un Enrico Macias – 15 octobre 1977

Outre Enrico, on peut reconnaitre
Sylvain au violon alto
Kakino De Paz au Quanoun
El Kahlaoui Tounsi à la derbouka
et ….. mais oui Robert Castel à la guitare

Le oud

oud

C’est l’instrument de base dans la musique Arabo-Andalouse. C’est le meilleur instrument pour l’accompagnement de la voix et de la mélodie. Son origine remonte à l’antiquité (environ 500 ans après JC). Il comportait à la base quatre cordes doublées. 

C’est au huitième siècle que Zeryeb lui ajoute une cinquième corde (non doublée) pour les sons graves. Son manche est composé de vingt-quatre zones définissant chacune une note et introduisant l’usage des « quarts de ton ». On en joue avec une plume d’aigle.
L’oud est avec le violon, l’instrument de prédilection de tous les Chouyoukhs. Raymond LEYRIS en joue à la perfection et en a fait son instrument de choix.

Enrico Macias – Olympia 2006

Sylvain Ghrenassia au violon et Enrico au oud

Le violon alto 4/4

Son introduction a eu lieu vers le dix-huitième siècle. Son rôle est très important dans la musique Arabo-Andalouse. Aussi bien par son accord (Mi-La-Ré-Sol) que par sa modalité d’expression, cet instrument s’est entièrement adapté à cette musique et sa tradition où il est posé sur le genou pour mieux réagir aux caresses de l’archet. Sylvain GHRENASSIA et FERGANI l’ont adopté comme » instrument meneur ».

Le quanoun

Enrico l’ appelle « La cithare Orientale ». C’est un instrument qui a la forme d’un trapèze avec une tessiture moyenne de trois octaves. On en joue en pinçant les cordes à l’aide de plectres (sorte de médiators) ou directement avec les index. Le nombre de cordes varie entre soixante-quatre et quatre-vingt deux. Il se joue posé sur une table ou directement sur le genou de l’instrumentiste. Son origine est incertaine. Théoriquement, il peut avoir une origine Grecque ou Indienne. Jouer du quanoun relève de la virtuosité certaine.

Enrico et le grand maître du quanoun Lakehal Belhaddad – Olympia 2003

Le rebab

C’est l’instrument emblématique de la musique Arabo-andalouse. Il est doté d’une ou de deux cordes. Son corps est fait de bois creusé, la partie supérieure est décorée de deux ou trois rosaces alors que la partie inférieure est recouverte d’une peau de chèvre ou de mouton. Les cordes sont en boyau. On en joue avec un archet très recourbé pour faire vibrer les cordes. Il est incontestablement originaire d’Irak.

Le fhel

C’est une flûte de roseau appelée « bédouine » d’une vingtaine de centimètres de long et environ deux centimètres de diamètre. C’est aussi un instrument de base de l’orchestre Constantinois. Muni de six trous à l’avant et d’un trou à l’arrière, il permet des improvisations et des accompagnements d’une beauté mélodique que seuls l’oud et le violon alto peuvent égaler


El Kalhaoui Tounsi à la derbouka

La derbouka

Instrument composé de véritable cuir naturel de mouton, de chèvre ou parfois de vache. Le support de forme cylindrique (évasé du coté ou se joint la peau) est façonné en terre cuite qui lui donne une beauté naturelle. 

La derbouka a évolué d’année en année en plusieurs formes et tailles ainsi qu’en coloris différents et originaux. Dans les trois écoles Algériennes, elle est appelée: « EL MIZAN » , c’est à dire la mesure ou tout simplement le tempo. L’instrumentiste qui en joue s’appele « le drabki ». Il est généralement placé à la gauche du Cheikh. Si par malheur, ce dernier arrive à perdre le tempo, c’est le drabki qui le « relève ». C’est dire l’importance que représente la derbouka dans une composition.

Le tar ou tambourin

D’une vingtaine de centimètres de diamètre, c’est un instrument rond constitué d’un cylindre de bois sur lequel est tendue une peau d’animal et qui permet de faire percuter les mains. 

Le cylindre de bois comporte de très petites cymbales qui permettent « le remplissage » des vides et bien sur l’harmonisation des mélodies. Certains musicologues le comparent au Charleston d’une batterie.

Amar au bendir

Le bendir

D’une vingtaine de centimètres de diamètre, c’est un instrument rond constitué d’un cylindre de bois sur lequel est tendue une peau d’animal et qui permet de faire percuter les mains. 

Le cylindre de bois comporte de très petites cymbales qui permettent « le remplissage » des vides et bien sur l’harmonisation des mélodies. Certains musicologues le comparent au Charleston d’une batterie.

Les nagharettes

Dans le malouf, c’est un instrument de percussion de soutien à la derbouka. Elles sont constituées de deux pots en terre cuite de diamètres différents. 

Fermées d’un coté et recouvertes d’une peau de chèvre de l’autre, elles sont fixées l’une à l’autre par des lanières de cuir et reposent sur un socle métallique. On en joue avec des petites baguettes de bois appelées: « AOUED = PLURIEL DE OUD » et qui veulent dire tout simplement: batons…..

Kamel à la zorna – Olympia Enrico Macias 2006

La zorna

La zorna est un instrument à vent à anche double. Son nom vient du persan zur: fête et ney: roseau). Plus connue sous le nom de « GHAITA » au maghreb, elle est utilisée dans toutes les fêtes (mariage,circoncision, spectacles de rue en duo avec le tambour, etc….).
En général, elle est fabriquée en bois dur. Elle se joue debout avec la technique du souffle continu. La justesse du jeu dépend de la dextérité du musicien qu’on appele « Zarnadji ».
Dans le malouf, elle est généralement utilisée dans les « Ensraf » et les « Khlass » (le final). On l’utilise aussi dans une variante appelée « Zendali » pour danser.

Ayant la conviction que la musique est un véhicule de valeurs communes et un vecteur de rapprochement permanent et de concorde, Cheikh Raymond a su réunir dans son orchestre, comme tout le monde le sait, musiciens de confession juive et musulmane. C’était aussi l’expression d’une volonté d’avoir autour de lui les meilleurs instrumentistes Constantinois.

La maîtrise de l’instrument, « El ala » en arabe, permet une vitalité extraordinaire dans l’exécution de cette musique.

Les savoirs anciens alliés au souci de perfectionner les instruments de musique arabo-andalouse nous amènent à remonter très loin dans le passé pour comprendre l’attachement d’Enrico MACIAS à cet héritage culturel qu’il sait restituer avec brio.

ça se passe au XIème siècle. Safiy Ed Din El Ourmawi (1216-1294) est un juriste et homme de lettres célèbre. Il aime la calligraphie et la musique. Il se penche sur les œuvres de Al Mawsili (IX) et El Farabi (X) et décide de s’initier au Oud dont il devient un virtuose. Puis, il publie deux ouvrages dans lesquels il offre des éléments originaux comme la terminologie Arabo-Persane des modes musicaux et la transcription des mélodies à l’aide de lettres et de chiffres.
Plus tard, ces notions ont permis l’apport de perfectionnements à certains instruments comme le Oud et le Qanoun et des classifications précises ont été élaborées.

 

La nouba

Prononcée « Naouba » à Constantine et en Tunisie, la nouba est une suite qui alterne chant et compositions instrumentales. Elle se joue sur un mode (tab’a), à une heure et selon un ordre déterminés. Elle se divise en plusieurs pièces musicales. Il existe à l’origine 24 noubas correspondant aux 24 heures du jour. Comme la musique arabo-andalouse n’a pas pu être transcrite mais s’est transmise oralement, il ne reste aujourd’hui qu’une douzaine voir une quinzaine de noubas, s’articulant sur une vingtaine de modes (toubou’a).

Le tempo de la nouba évolue généralement du lent au vif mais en Algérie et en Tunisie, réponses instrumentales et préludes aux chants rompent souvent le tempo initial.

D’une manière générale et selon les écoles, la nouba se compose comme suit :

– 1 ou 2 introductions musicales appelées bacheraf

  • M’çaddar
  • B’tayhi
  • Derdj
  • N’çiraf
  • Khlass
    ce dernier peut se prolonger en Khlass El Kamal….
Les modes ayant une nouba complèteLes modes dont il ne reste que des fragmentsLes noubas et modes perdus
  • Dhil
  • M’jenba
  • Raml
  • Ghrib
  • Zidane
  • Mezmoum
  • Rasd
  • Ras El Dhil
  • Maya
  • Raml El Maya
  • Sika
  • H’çin
  • Jarka
  • Moual
  • Aaraq
  • Ghribet El H’çin
  • Isbahan
  • Oushaq
  • Rahaoui
  • Raml El Aachia
  • Maya Faregh
  • H’çin El Açil
  • H’çin El Sabah
  • H’çin El Ouchayran.

Il est à signaler toutefois que les différentes écoles se distinguent par des nuances dans l’exécution des noubas. Si ces nuances ont été possibles à réaliser, c’est grâce à certains instruments orientaux comme L’Oud qui offre la richesse de plusieurs accordages et la particularité des 1/2, 1/3, et 1/4 de note.
A Constantine, l’Oud est accordé en deux quintes embrassées : Do La Ré Sol.

En se produisant à Bourges, Enrico MACIAS a démontré sa faculté de proposer des noubas dans le respect de la pure tradition de l’école Constantinoise.

 


Témoignage d’El hadj Mohamed Tahar FERGANI en personne (1978)

« Les artisans mélomanes constantinois et adorateurs de la musique arabo-andalouse avaient conçu une bougie spéciale pour les soirées malouf. Elle était faite de façon à ce qu’elle se consume très exactement en 24 heures pour les 24 noubas. Comme les orchestres respectueux de la tradition ne pouvaient enchainer qu’une douzaine de noubas, cette bougie avait été revue et corrigée pour ne durer qu’une douzaine d’heures.

L’autre particularité de cette bougie , c’est qu’elle était sertie de louis d’or et fixée sur un socle spécial, lequel était posé sur un plateau d’argent recouvert d’un foulard.

A la fin de la soirée, les membres de l’orchestre pouvait fièrement plier le foulard contenant la bougie fondue et le ramasser. C’était « 

N.B: Tous les « Khlass » des noubas se terminent en rythme dansant. Les invités qui évoluent sur la piste pour danser mettent un billet d’argent dans le plateau. C’est aussi une partie de l’enveloppe de l’orchestre et ça s’appele: « Rechkia ».

Structure de la nouba malouf

(Extrait du recueil des poèmes de la musique andalouse malouf de Constantine – par Kaddour Darsouni)

Le répertoire Malouf de Constantine est composé de dix Nouba qui sont les suivantes :

– Dil
– M’djenba
– H’cine Saba
– Raml Maya
– Raml
– Zidane
– Mezmoum
– Sika
– Rasd E’ddl
– Maya.

Les modes (Tûbû ) utilisés pour ces nouba sont les suivants:

– Dil (DO)
– Zidane (RE)
– H’cine (RE)
– Raml Maya (RE)
– Mezmoum (FA)
– Sika (MI)
– Rasd E’ddil (DO)
– Maya (DO).

A noter que les Nouba Dil et Mezmoum n’existaient pas dans le répertoire Malouf. Les mélodies qui composent ces deux Nouba étaient éparpillées, et c’est grâce à un travail de recherche que Kaddour DARSOUNI a effectué, que ces Nouba sont venues enrichir l’Ecole de Constantine. La Nouba Malouf de Constantine est structurée de la manière suivante:

1/ Bacheraf ou Touchia : c’est une ouverture instrumentale avec une mesure 4/4, (sauf pour le Bacheraf Raml Maya qui a une mesure 7/8 et la Touchia Dil 6/8) jouée à l’unisson et qui permet aussi aux musiciens d’accorder leurs instruments.

2/ M’ceddar : c’est le premier mouvement qui est exécuté sur un rythme lent appelé aussi « M’rabaâ » avec une mesure 16/8.

3/ B’taihi : c’est le deuxième mouvement exécuté en 6/8 avec un temps fort.

4/ Dardj : il existe deux mesures qui désignent ce mouvement. La première en 8/8 appelée Dardj Thaqil (lourd) et la deuxième en 3/4 appelée Dardj Khafif (léger).

5/ Ensraf : mouvement exécuté en 5/8

6/ Khlass : c’est le final, mélodie d’allure vive en 6/8. 

Généralement, à chaque Nouba correspond un Bacheraf ou une Touchia. En dehors des Khlass, chaque mouvement est précédé d’une introduction musicale appelée Koursi. Malheureusement l’Ecole de Constantine n’en a conservé que quelques uns. Certains sont propres aux mouvements, d’autres sont tirés principalement de la Touchia Zidane ou appartiennent à des mouvements qui ont le même mode ( ex: le Koursi M’ceddar Rasd E’ddil est utilisé pour le M’ceddar Maya). Les Dardj n’ont cependant pas de Koursi.

Tableau des Nouba et de leurs Bacherafs et Touchia respectifs

NOUBAMODENOTESBACHERAF OU TOUCHIA
DilDilDoBacheraf Maya
H’cine Saba H’cineBacheraf H’cine
M’djenba ZidaneBacheraf M’rabaâ (Kebir)
Raml MayaRaml MayaBacheraf Raml Maya ( Aârayssi)
Raml (Raml Kebir) ZidaneTouchia Zidane
ZidaneZidaneBacheraf Zidane
MezmoumMezmoumFaBacheraf Mezmoum (Regrigui)
SikaSikaMiBacheraf Sika
Rasd E’ddilRasd E’ddil DoBacheraf Dil
MayaDilDoTouchia Dil

Le Bacheraf de la Nouba M’djenba est spécifique; il est connu sous le nom de Bacheraf M’rabaâ et se caractérise par des compositions musicales construites sur cinq modes différents. Il débute par le mode H’cine (RE) suivi de modes Sika (MI), Dil (RE), Zidane( LA), et se termine sur le mode M’haïr (RE).

Tableau des mouvements de la Nouba et les Koursis qui leur correspondent

NOUBAM’CEDDARB’TAIHIENSERAF
DilKoursi (Rasd E’ddil)Koursi (Originel) Koursi (Originel) 
M’djenbaKoursi (Originel) Bacheraf M’rabaâ (Kebir)
H’cine Saba Koursi (Raml Maya)Koursi (Raml MayaBacheraf M’rabaâ (Kebir)
Raml Maya2 Koursi (Originel)2 Koursi (Originel)Koursi (Originel)
ZidaneKoursi (1ere phrase Touchia Zidane)Koursi Zidane
RamlKoursi (4eme phrase Touchia Zidane)Koursi Zidane
(Raml Kebir)Koursi (Originel) 
Mezmoum Koursi (Originel)Koursi (Originel)
SikaKoursi (Originel)
Rasd E’ddilKoursi (Originel)Koursi (Originel)
MayaKoursi (Rasd E’ddil)Koursi (Dil)Koursi (Dil)

Koursi
extrait de « Inqlâb Qalbi Ebtala »
concert de Bourges

Heures et moments d’interprétation des Nouba:

A titre indicatif, il y a une tradition qui fixe les heures d’interprétation des Nouba. C’est un rite qui est confirmé par le sens des paroles et par ce fluide sentimental (Tarab) de joie ou de tristesse que l’orchestre communique à l’auditoire.
A Constantine, il est généralement admis que les Nouba doivent être normalement interprétées selon les indications ci-après:

Mezmoumentre 11 H et 13 H
Sikaentre 14 H et 16 H
Ramlentre 18 H et 20 H
Raml El Mayaentre 20 H et 22 H
H’cineentre 22 H et 24 H
Dil, M’djenbaentre 23 H et 01 H
Zidaneentre 24 H et 02 H 30
Rad E’ddilentre 02 H et 03 H 30
Mayaentre 03 H et 05 H