Un livre sur Cheikh Raymond

Située à l’est de l’Algérie, Constantine, troisième ville du pays, n’a pas une image canaille comme Oran. Morne et compassée, disent ceux qui ne la portent pas dans leur coeur. Elle pue la religiosité, ajouteront d’autres. Juchée sur une falaise, l’ancienne capitale de la Numidie semble narguer le visiteur, tandis que ses nombreux ponts baptisés de noms de saints donnent le vertige. La cité n’en demeure pas moins l’une des capitales du malouf, cette école de musique arabo-andalouse rapatriée d’Espagne après la chute de Grenade, en 1492. Elle partage cet héritage avec Tunis et Tripoli et a longtemps abrité, jusqu’en 1987, un festival qui rendait hommage à ce style de musique un peu moribond. Les noubas ou suites (treize et des poussières en tout) qui caractérisent la tradition constantinoise relèvent du bel ouvrage. Les Ottomans qui sont passés par là y ont laissé aussi quelques traces admirables, donnant à penser qu’à Constantine, on s’adonnait à la fusion avant l’heure. Raymond Leyris, beau-père d’Enrico Macias, y fut pour beaucoup.

Né le 27 juillet 1912 d’un père juif chaouï aisé et d’une mère française, il fut abandonné par cette dernière après la mort de son géniteur, sur le front de la Somme. Recueilli par une famille juive très pauvre, le petit Raymond en hérita un aspect rigoureux, fait d’humilité. Dans une photo d’époque, on le voit poser, à l’âge de 15 ans, en costume local, clin d’oeil à une tradition qu’il s’emploiera toute sa vie à réhabiliter. Ses professeurs furent les légendaires Cheikhs Chakleb et Bestandji et son orchestre comptait notamment Enrico Macias et son père Sylvain, ainsi que le fabuleux violoniste Nathan Bentari. Entre 1956 et 1961, alors au sommet de son art, il enregistra près de trente 33 tours, auxquels s’ajoutent les multiples 78 tours gravés auparavant. Celui qu’Enrico Macias désigne comme son « chanteur préféré » et dont il a épousé la fille, Suzy, fut assassiné dans un souk de Constantine le 22 juin 1961, sans doute par un détraqué qui voulait faire fuir la communauté juive. Vénéré par tous les grands noms du malouf, le Cheikh reste encore aujourd’hui la référence majeure du genre. Le livre signé Bertrand Dicale le rappelle pertinemment.

Rabah Mezouane

Article paru sur le site www.mondomix.com ICI

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