Enrico Macias en concert ce soir à La Grande-Motte : « Sur le bateau, tout le monde pleurait. J’ai improvisé « Adieu mon pays » »
Le plus célèbre représentant des pieds-noirs, en concert ce vendredi 18 mars au Pasino de La Grande-Motte, raconte ses souvenirs à Constantine, son départ d’Algérie et ses espoirs d’une réconciliation.
Quels sont vos souvenirs d’enfance à Constantine ? Comment était la vie là-bas ?
La vie était belle. À l’âge de 10 ans, mon enfance se partageait entre Constantine et un petit village à 60 km qui s’appelait Jemmapes. Mes grands-parents avaient un magasin de tissus là-bas. J’ai passé toute mon enfance chez eux, c’est ma grand-mère qui m’a élevé. Mon père était un violoniste de musique arabo-andalouse. Il jouait avec celui qui allait être plus tard mon beau-père, Cheikh Raymond, avec qui j’ai d’ailleurs commencé.
Quand vous avez des épreuves dans la vie, c’est inutile d’avoir du ressentiment ou de la haine
Cheikh Raymond a été assassiné. Comment cette tragédie a changé le cours de votre vie ?
La veille de son assassinat, j’étais invité au mariage d’un ami. Comme ça s’est terminé très tard et qu’il y avait le couvre-feu, je suis rentré chez moi très tôt le lendemain matin. Je dormais et j’ai entendu des cris. C’était mon grand-père qui criait : « On a tué Raymond, on a tué Raymond ! »
J’ai cru que je faisais un cauchemar mais je me suis réveillé et c’était la réalité. On avait assassiné tonton Raymond. Je suis sorti de la maison comme un dingue pour essayer de voir ce qui se passait près de l’hôpital, car il avait été tué devant. Il est mort sur les marches de l’hôpital. Puis je suis allé voir ma future belle-mère et ses enfants. J’étais catastrophé comme eux.
Ma vie a changé immédiatement car son assassinat a eu pour conséquence le départ de Constantine de toute la communauté juive. Moi, je suis parti le lendemain.
Comment avez-vous été accueilli à votre arrivée en France ?
On n’a pas été très bien accueillis… À part quelques-uns qui nous ont aidés… On a été très mal accueillis, très mal.
Votre premier succès c’est avec « Adieu mon pays » ?
Oui mais ce n’était pas un succès retentissant. Ça n’avait pas dépassé le cadre de ma communauté. Entre-temps, j’avais sorti Enfants de tout pays. C’est ce titre-là mon premier succès. Enfant de tout pays, Le grain de blé… parlent comme beaucoup de vos chansons, de paix et de fraternité.
Pourquoi ces valeurs sont-elles aussi importantes pour vous ?
Elles sont importantes parce que, quand vous avez des épreuves dans la vie, c’est inutile d’avoir du ressentiment ou de la haine. D’ajouter de la haine à la haine, à la méchanceté, à l’injustice… J’ai choisi le contraire. J’ai choisi de répondre par la tolérance et par la fraternité. Vous n’avez jamais eu le droit de retourner en Algérie.
Avez-vous encore un espoir de pouvoir y chanter un jour ?
J’ai 83 ans. Ça me paraît difficile mais il ne faut jamais dire que c’est impossible. C’est une question de destinée. Comme je suis parti d’Algérie, c’était ma destinée. Peut-être que mon retour, ça sera aussi ma destinée. Je ne sais pas.
L’Algérie vous manque beaucoup ?
Oh oui, l’Algérie me manque énormément. C’est ma terre natale. Quand je vois qu’on peut aller dans le monde entier en avion dont l’Algérie et que je ne peux pas y aller, c’est dur.
Que souhaitez-vous aujourd’hui à l’Algérie et à la France ?
Je suis le chantre de la paix et de la fraternité. Je voudrais qu’on n’oublie pas les morts des deux côtés ni l’histoire. Mais maintenant que c’est fait, pourquoi ne pas se raccommoder ? Au lieu de faire de la repentance. Tout ça ne sert à rien. Il faut mettre sur pied un plan de réconciliation. Je souhaite la réconciliation entre la France et l’Algérie. Je crois toujours aux belles choses. Je suis un positif dans tout. Alors…
Quel pied-noir êtes-vous ?
Je suis leur représentant. Je suis juif, pied-noir, algérien et français. Tout simplement.
CATHERINE UNAC
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