Enrico Macias, le sourire désenchanté
Publié le 20 juin 2016 à 18h37 | Mis à jour le 20 juin 2016 à 18h37
Enrico Macias sera à la Maison de la culture de Gatineau mercredi, à 20h.
Yves Bergeras
Le Droit
Incarnation du chanteur joyeux, aux sourires et à l’optimisme aussi indéboulonnables, dans son répertoire, que le soleil dans l’azur méditerranéen, le Français Enrico Macias a perdu un peu de sa bonne humeur.
Son plus récents album, Les Clefs – un disque nuancé, pas amer mais aigre-doux, pétri de nostalgie délicate- faisait suite à la parution, l’an dernier, de L’envers du ciel bleu, autobiographie dans laquelle il révélait sans détour les échecs et coups du sort qui ont marqué son parcours, mais qu’il n’avait, «par pudeur», jamais abordé publiquement. Entre désenchantement et lassitude, le septuagénaire y dévoilait des facettes de lui jusque-là éclipsée par son «image médiatique».
Assombri par la mort de son épouse Suzy, en 2008, démoralisé par la montée de l’extrême-droite française, endolori par son exil interminable (Juif pied-noir, il n’a pas le droit de retourner en Algérie, sa terre natale, qu’il a quittée en 1961), le Mendiant de l’amour a dans la bouche un goût d’Oranges amères.
«La disparition de ma femme, ça m’a un peu déboussolé. Le ciel bleu, c’était Suzy. Maintenant, il est nuageux le ciel», concède Enrico Macias – qui montera sur les planches de la Maison de la culture de Gatineau mercredi 22 juin, dans le cadre d’une mini-tournée de trois dates au Québec.
«Mais il n’y a pas que de la tristesse sur ce disque, c’est très varié: il y a aussi plusieurs chansons festives, comme À la grâce de Dieu», nous corrige-t-il. Et d’ajouter : «J’aime bien mélanger les deux, parce qu’après la mélancolie, on fait toujours la fête!»
«Ce qui me rend amer, c’est la situation mondiale » et particulièrement la «tragédie» actuelle des réfugiés qui se heurtent aux portes closes de l’Europe. Ces « peuples entiers obligés d’être déplacés ou [en quête d’un refuge] un peu partout, […] qui n’ont plus de toit, ni de quoi vivre, qui cherchent encore un pays, c’est… difficile » euphémise Enrico Macias, qui a connu un déracinement similaire. «J’ai vécu ça. Pas avec la même intensité que les migrants aujourd’hui, mais c’est un drame humain pour chacun d’entre nous.»
Aujourd’hui encore, il rêve de «retourner chez [lui], pour pouvoir [se] recueillir sur la tombe de [ses] proches et retrouver les couleurs et les images » conservées dans la boîte à trésors de ses souvenirs». Au regard de cet exil, les paroles «Ah! qu’elles sont jolies, les filles de mon pays!» se chargent d’une douleur qui n’apparaissent pas de prime abord.
«Ce qui m’inquiète aussi, c’est la montée de l’intolérance, du racisme, l’injustice. Et je me bats contre ce choses-là, qui perturbent les valeurs que je défends.»
Sa foi lui permet de conserver son légendaire optimisme. «Je remercie Dieu de m’avoir fait vivre jusqu’à 78 ans, de m’avoir conservé la place que j’ai dans la chanson française – au bout de presque 55 ans» répond-il. «Et je continuerai jusqu’à mon dernier souffle de faire ce métier que j’aime.»
À Gatineau, il puisera dans l’ensemble de son répertoire. Un florilège d’états d’âme servi par huit musiciens, dont M. Macias à la guitare. L’Aylmerois Socalled – qui a collaboré avec M. Macias à l’époque de l’album Voyage d’une mélodie, en 2011 – n’est pas au programme.
«Socalled m’a apporté une certaine modernité que je n’avais pas. C’est un garçon qui a énormément de talent. […] Je me suis enrichi de lui, lui de moi. »
Article paru sur le site LeDroit : http://www.lapresse.ca/le-droit/arts-et-spectacles/spectacles-et-theatre/201606/20/01-4993838-enrico-macias-le-sourire-desenchante.php
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