Enrico Macias dans les yeux de Nathan Foeller-Claudel

Il y a deux mois, dans les coulisses du concert d’Enrico Macias à Mons, j’ai eu le plaisir de faire la connaissance de Nathan Foeller Claudel, jeune homme de presque 17 ans, petit neveu de Jean Claudric.
Depuis, nous avons échangé et je suis sure que, comme moi, vous allez être touchés par le regard lumineux qu’il porte sur Enrico Macias, par sa connaissance très pointue du répertoire de l’artiste, et aussi par sa passion pour l’oeuvre de son grand oncle, Jean Claudric.

Enrico Macias, ce n’est pas seulement le Soleil. Bien sûr, il chante cette « mer immense » et ce ciel bleu dont il a aussi montré l’envers… Bien sûr, ses concerts ne sont pas de simples tours de chant : dès qu’il chante en arabe ou en hébreu, un concert d’Enrico devient soudain une fête orientale.

         Reconnaissant, Enrico aime profondément les hommes, il célèbre leur chaleur, comme celle des gens du Nord, qui ont le cœur ensoleillé. Son public le sait : partout dans le monde, il le prend dans ses bras.

         Enrico exprime aussi la relation amoureuse qu’il entretient avec la musique. Un seul principe de vie : chanter en toute circonstance. En ouvrant les yeux au monde, il a d’abord vu le violon de son père qui a toujours fait partie de son paysage. D’ailleurs, bien avant d’avoir sa première guitare, il a fait d’un violon son confident et son compagnon d’enfance.

         Ce serait méconnaître l’étendue de son répertoire que de le réduire aux onomatopées qui ont fait le succès de certaines de ses chansons car Enrico Macias, ce n’est pas seulement des « Laï Laï Laï », des « Oumparere », des « El Porompompero » ou des « Poï Poï Poï ».

         Malgré le succès, 60 ans après son premier Olympia, – le 19 mars 1964 -, il a su rester humble car il le sait, il n’est « qu’un grain de sable posé sur l’univers » avec ses failles, comme nous tous… Lui aussi, a connu des drames personnels, comme la perte de son frère…

                   Animé par un besoin quasi viscéral d’être aimé, il chante, comme personne,  l’amour dont il est le mendiant. Il offre à chaque fois « tous les soleils de l’amitié » à son public qui oublie ainsi les ennuis du quotidien. Et il donne un conseil à la jeunesse : il faut écouter son cœur. Sentimental, toutes ses chansons sont autant de variations sur le thème de l’amour, autant de façons différentes de dire « je t’aime » à Suzy, la femme de sa vie.

         Enrico est rêveur, il veut croire en un monde où la raison du plus fort n’est plus la meilleure et où le Loup et l’Agneau de La Fontaine ne se querellent plus dans le courant d’une onde pure… Pour lui, la chanson est un espace dans lequel on peut s’aimer les uns les autres et où l’on parvient à vivre ensemble, quelle que soit la religion. Il rêve encore d’un voyage, de « ce voyage » retour en Algérie, sa terre natale. Au moment où ce rêve allait devenir réalité, des fous lui ont barré le passage… Dans ces conditions, il est donc impossible de refermer cette blessure de l’âme, alors qu’elle aurait pu peut-être cicatriser…

         Pour célébrer la beauté du monde, il chante les femmes – en premier lieu les « filles de son pays » et leur sens de la famille -, elles peuplent ses chansons et l’on donne à l’une le sobriquet de « Zingarella », tandis que l’autre s’appelle Mélisa. La première est bohémienne – Enrico s’est d’ailleurs toujours senti proche des gitans et des Espagnols  -, elle séduit les garçons par sa danse. Insensible, la seconde passe d’un homme à l’autre… 

         Défenseur des opprimés, il prend toujours le parti des innocents et donc celui des enfants. Instituteur, il avait une pédagogie bien à lui pour encourager ses petits élèves : au lieu de leur distribuer des bons points, il leur interprétait des mélodies à la guitare.

         Enrico n’a jamais eu « la mémoire courte ». Non, il n’a pas oublié l’Algérie de son enfance, qui était française, même si certains préfèrent aujourd’hui l’occulter et réécrire l’Histoire… Il n’a pas oublié non plus les rues parfumées de piments ou « l’odeur des oranges amères »… Avec les chansons d’Enrico, les sens sont toujours en éveil.

Oui, les souvenirs sont là, mais il vit dans le présent en réussissant à prendre de la distance avec son passé. Enrico, c’est un pont et son âme se promène encore entre l’Orient et l’Occident… Par bonheur, il y a la cuisine. Elle est là, patrimoine immatériel, comme pour rappeler un peu chaque jour le pays perdu que les pieds- noirs ont quitté. La tchouktchouka, la soubressade ou le couscous font partie du quotidien, au-delà du cliché, c’est essentiel ! Les chansons d’Enrico sont toutes des cartes postales qu’il envoie implicitement à Constantine, sa ville natale qu’il aime charnellement.

         Enrico est de ceux qui ne capitulent pas : avec lui, la barbarie ne l’emportera pas. Rendre hommage à Sadate était donc pour lui une nécessité. Oui, le président  égyptien était coupable : coupable d’agir pour la réconciliation des peuples – celle-là même que chante Enrico – et d’œuvrer pour la paix, guidant son peuple tel un berger.

Enrico lance toujours inlassablement le même appel aux enfants de tous pays car l’avenir est entre leurs mains : ils s’apprêtent déjà à construire le monde de demain.

Enrico reste optimiste malgré tout et non utopiste comme le prétendraient certains. Son optimisme est en aucun cas de l’aveuglement. Quand il s’adresse aux enfants, il ne leur cache jamais la dureté de l’école de la vie et reste toujours lucide. Il nous dit la triste Vérité, tel un prophète : si la colombe de la paix ne vient plus se poser, c’est bien à cause de nous puisque nous la chassons. Il rappelle aussi le rôle qu’ont les plus grands à l’égard des plus petits : ils les aident à surmonter les épreuves et les obstacles de la vie pour aller toujours plus haut, c’est cela se faire « la courte échelle ». Pour Enrico, seul l’amour est notre moteur et nous ne pouvons nous surpasser qu’en son nom.

Depuis ces dernières années, c’est son fils, Jean-Claude Ghrenassia qui est son orchestrateur. Il a offert à son père la chance de prendre un nouveau virage dans sa carrière. Pour écrire ses arrangements, Jean-Claude a une référence, il est toujours influencé par le travail du « Maître », celui qui lui a donné envie de faire de la musique : Jean Claudric.

Aux guitares et aux mandolines des tout premiers débuts d’Enrico, Jean Claudric a ajouté des violons et un accordéon. Ce grand chef d’orchestre sera son « maître », son « ange gardien », son « ami de toujours », et va l’initier à l’harmonie de la musique dite « occidentale ». Ensemble, ils ont composé des mélodies magiques et ont ainsi créé un univers à part entière. Leur histoire est incomparable tant leur vie est liée : ils sont devenus de « la famille » l’un pour l’autre.

         Enrico, c’est enfin la verve et la poésie de la Méditerranée. Avec Jacques Demarny, il a réussi un tour de force : avec des mots accessibles et apparemment simples, il est l’auteur de textes qui font pleurer. Comme tous les poètes, il véhicule une émotion rare. Mais ce sont des larmes de joie, face au bonheur qu’il nous donne. Et dans les moments fous que nous vivons à notre époque, il nous reste la « folle espérance ».

         Grâce à Enrico, la poésie de la Méditerranée est devenue universelle.

NATHAN FOELLER-CLAUDEL
Petit neveu de Jean Claudric

26 février – 2 mars 2024

5 Comments on “Enrico Macias dans les yeux de Nathan Foeller-Claudel

  1. Comme c’est bien dit, et surtout tout est dit, un magnifique parcours, que cela dure encore longtemps

  2. il n’y a rien à ajouter, il est formidable ce jeune homme ! n’oublions pas son âge ! pas 18 ans! et déjà une si bonne analyse ! — il devra écrire des livres, car il sait percevoir ce qu’il y a de beau dans l’être humain , je suis agréablement surprise, ça met du baume au coeur– merci à Nathan

  3. Bravo Nathan Je suis avec ta mamie mémé nous sommes admiratives et emues par tous tes commentaires si justes❤️

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