Enrico Macias: « Donner l’espoir aux pieds-noirs et aux harkis »

« Le drame, c’est que nous n’avons pas fini notre deuil. Nos racines ont été bafouées, nous n’arrivons pas à cicatriser », déplore Enrico Macias, qui viendra, demain soir, chanter pour tous.(Photo Frantz Bouton)

L’auteur d’Adieu mon pays vient célébrer les souvenirs des rapatriés d’Algérieen chansons, demain soir, place de la Liberté à Toulon, devant des milliers de personnes

L’événement à Toulon ce mois-ci, c’est le cinquantième anniversaire de l’arrivée des Français d’Algérie. À partir du 22 juin, une exposition-souvenir rassemble, au Musée d’art de Toulon (dans la salle de l’ancien muséum, boulevard du Général Leclerc), des objets, photographies et témoignages. En lien avec cette rétrospective, Enrico Macias sera sur la place de la Liberté, vendredi soir, pour partager ses souvenirs en chansons. Rencontre.

Ce cinquantième anniversaire signifie quoi pour vous ?

C’est un départ douloureux et une reconstruction en France un peu difficile. J’étais instituteur, mais je n’ai pas eu de poste. Heureusement, j’avais ma guitare… C’est aussi le début d’une longue histoire d’amour avec le public français, les pieds-noirs et les harkis. Et puis, c’est le cinquantième anniversaire de mon mariage avec Suzy…

Qu’est-ce qu’être pied-noir aujourd’hui ? Comment vivent vos enfants et petits enfants ?

J’ai deux enfants, cinq petits-enfants, trois garçons et deux filles. Ils sont très proches de moi. Ils veulent savoir d’où ils viennent, voir le pays où sont nés leurs parents. Le ressenti pied-noir ne s’éteindra pas avec ma génération. Il y a toujours la mémoire, le respect d’une situation dramatique, la douleur d’avoir perdu des êtres chers. Le drame, c’est que nous n’avons pas fini notre deuil. Je pense encore à tous ceux qui ont été enlevés et dont on a perdu la trace. Nos racines ont été bafouées, nous n’arrivons pas à cicatriser.

Qu’est que la liberté pour vous ?

Pouvoir se balader dans la rue sans crainte. La liberté de pouvoir s’exprimer. J’avais entre 15 et 22 ans, j’ai connu la violence, la peur, la douleur. Je n’ai pas eu de jeunesse. Heureusement, j’avais la musique et Suzy.

Vous avez porté le symbole de l’exil et œuvré à la réconciliation. Cette quête est toujours présente ?

Elle restera en moi. C’est mon désir le plus cher. Je suis un inconditionnel pacifiste, malgré toutes les humiliations que j’ai subies.

On vous a refusé en Algérie ?

Pour un voyage officiel avec Nicolas Sarkozy, les autorités s’y sont opposées. Je n’ai pas compris.

Vous avez toujours soutenu Nicolas Sarkozy, sans être ni de gauche ni de droite, pourquoi ?

Parce que c’est un grand homme. Un humaniste, un homme de parole, fidèle en amitié, défenseur de la France. Il va beaucoup manquer.

Que pensez-vous de l’ouverture du théâtre Liberté sur la Méditerranée ?

Cette volonté d’universalité correspond à mes valeurs. C’est de l’amour. Et l’amour, c’est l’échange.

Avez-vous un lien particulier avec Toulon ?

Oh oui ! Je me rappelle… quand on est arrivés, on allait passer nos vacances à Toulon. On se baignait au Mourillon. J’aimais aussi le foot. La ville me rappelle aussi mes premiers spectacles, et notamment une première partie de Gilbert Bécaud dans l’émission télé Cinq colonnes à la une.

Vous avez fêté vos cinquante ans de carrière en 2012. On vous aime toujours…

Cinquante ans ! C’est un sacré privilège ! Ça efface tous les échecs, les bons et les mauvais moments. Quoi qu’il en soit, je ne regrette rien. Je me suis construit. J’ai douté. Mais c’est bien ! Cela permet de recréer, de se renouveler.

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Assez bien. Mais je ne supporte pas la disparition de ma femme. Elle est décédée il y a quatre ans, et pour moi, c’est hier. Je tiens grâce à l’amour de mes enfants, de mon public.

Quelle est votre chanson fétiche ?

La première, celle qui a construit ma carrière : Adieu mon pays !C’est aussi l’anniversaire de cette chanson, cette année. Savez-vous qu’il n’y a pas un seul tour chant où je ne l’ai pas reprise ?

Qu’avez-vous envie de donner ce vendredi soir ?

L’espoir à tous les pieds-noirs et tous les harkis (ils sont souvent oubliés mais la situation a été dramatique pour eux). J’ai envie de créer un mouvement de fraternité entre toutes les communautés…

 

Article paru sur Var matin ICI : http://www.varmatin.com/societe/enrico-macias-donner-lespoir-aux-pieds-noirs-et-aux-harkis.895643.html

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