Enrico Macias voyage encore

Paris 07/03/2011 – En préambule de ses 50 ans de carrière qu’il fêtera en 2012, Enrico Macias publie Voyage d’une mélodie, un recueil en forme de ballade nomade entre les traditions séfarade et ashkénaze. Coréalisée par une paire d’experts aux manettes, son fils Jean-Claude Ghrenassia et le DJ de Montréal So Called, cette bande-son ouvre de nouvelles perspectives pour le septuagénaire chanteur, un véritable bain de jouvence à l’image des duos inédits qui rythment cette traversée esthétique sur le fil mélodique.

RFI Musique : Pourquoi ce titre, Voyage d’une mélodie ?
Une mélodie, c’est comme une étoile. Il y en a dans le monde entier. Ce voyage est une invitation à la rencontre de plusieurs mélodies qui font se connecter et se rapprocher toutes mes racines, et d’autres qui ne sont pas les miennes. Cela va de la tradition yiddish et ashkénaze, comme Tu n’es pas seul au monde ou Lehaim, à Snitra, une chanson berbère, d’Adio Kerida qui est le témoignage de l’héritage arabo-andalouse, à Yalali, un thème qui convoque la tradition algéroise…  Au final, il s’agit d’un parcours dans une diversité musicale qui a pour trait d’union mes origines : je me retrouve autant dans Le chant des partisans de Vilnius que dans Les Séfarades dont le texte est signé par l’écrivain Eliette Abecassis.

Vous rapprochez deux traditions, séfarade et ashkénaze, a priori éloignées…
En termes de culture, oui. Et ce autant d’un point de vue culinaire que musical. Mais en même temps, il existe des points communs, par l’Empire Ottoman qui a dominé une grande partie de cette zone où se trouvaient ces communautés juives. Cet ensemble politique nous avait en quelque sorte, réunis. C’est aussi ce que j’ai voulu faire ici : il est inadmissible que les Séfarades et Ashkénazes soient divisés, alors que nous avons depuis longtemps des points de convergence. Nous sommes certes différents, mais complémentaires.

Cet éloignement a de toute façon tendance à disparaître avec les nouvelles générations…
Oui, c’est certain. C’était beaucoup plus dur il y a quarante ans qu’aujourd’hui, à tous les niveaux : politiques, culturels… C’est désormais moins le cas, et on ne peut que s’en féliciter étant quand même de la même famille. Mais au-delà de cette histoire, mon idée est de rapprocher tous les humains de cette planète. Nous sommes tous frères, non ?

D’où l’envie de demander à So Called, un Ashkénaze d’outre-Atlantique, de venir produire une partie du disque ?
C’est un sacré personnage celui-là ! J’ai été impressionné par le travail de relecture de la tradition klezmer qu’il mène depuis des années. C’est ce qu’il apporte dans ce projet, ce côté jazz un peu étonnant. Il place même des petits effets électroniques. C’est un excellent musicien et humainement, une belle personne. Notre première rencontre, c’était au Canada. Si So Called a accepté ce projet, c’est aussi parce qu’il était convaincu des connexions entre nos deux univers : qu’un Sépharade avec une culture aussi prononcée que la mienne puisse chanter des grands airs yiddish et inversement. Paris tu m’as pris dans tes bras est ainsi traduite en yiddish. C’est comme un boomerang. Il a écrit tous les arrangements de la thématique yiddish, et Jean-Claude, mon fils, s’est chargé des autres.

Ce n’est pas trop compliqué de chanter en yiddish ?
C’était un défi : c’est la première fois que je chante en yiddish ! Quand on ne possède pas une langue, ce n’est pas facile de savoir où placer les accents, comment ponctuer, ou mettre les bonnes inflexions. Heureusement, j’ai eu un coach, Claude Zuffrieden qui est professeur de yiddish et d’anglais. J’étais à cheval sur la métrique des mots pour tomber juste, et il m’a beaucoup aidé : cela m’a facilité la tâche pour être à l’aise dans la musique. J’ai même fait un duo avec Theodore Bikel ! Je chante aussi en berbère avec Idir, un homme que je connais bien. Là encore, c’est pour moi inédit : cela n’a rien à voir avec l’arabe que je parle. La chanson s’intitule Snitra, l’histoire d’une guitare et d’un oiseau, qu’il a écrite en s’inspirant de ma chanson des années soixante Oh Guitare Guitare.

Qui a eu l’idée des duos ?
Mon fils m’en a suggéré. Comme Mi Corason, une chanson d’amour avec Yasmin Levy, en ladino. Là je n’ai pas eu besoin de coach ! C’est une langue qui parle de mes origines. L’Espagne arabo-andalouse. J’ai même écrit la musique de Shalom Aleikhem, que j’interprète avec Daniel Levi.

Le style arabo-andalou n’a jamais été absent de votre carrière, mais il est tout de même plus au premier plan depuis une dizaine d’années, comme sur Oranges Amères. Votre fils joue un rôle très important dans vos choix artistiques…
Oui, il est très doué en tant qu’instrumentiste, mais aussi réalisateur. Sur cet album, il a tout supervisé, en annotant ça et là. Jean-Claude m’a beaucoup incliné en ce sens. Et ma femme Suzy, qui était la fille de mon maître Cheikh Raymond, aussi. Mais c’était également une envie personnelle. Depuis dix ans, je reprends du plaisir avec les instruments, que je n’avais jamais tout à fait délaissés. Le oud, ses sonorités cristallines et chaleureuses, a toujours eu une place à part dans mon cœur

Enrico Macias Voyage d’une mélodie (AZ/Universal) 2011
En tournée française et à l’Olympia à Paris du 24 au 27 mars 2011

Jacques  Denis pour RFI musique

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