Si Ahmed HACHELAF (directeur des éditions des Artistes Arabes Associés) a dissuadé Gaston Ghrenassia de faire carrière dans le malouf, Sylvain, lui, n'a pas tardé à constituer sa formation que son fils présente à l'Olympia dès 1970.
De "Oh guitare, guitare" en passant par "Aux talons de ses souliers", toutes les chansons d’Enrico, ou presque, sont imprégnées de cette musique.
"Quand je suis né, la première chose que j'ai vue, c’ était le violon de mon père" a t-il déclaré. Ce violon ne sait pas jouer autre chose que le malouf. Malgré ses fréquentations des gitans, il ne pouvait chasser de son subconscient cette musique qui l'a bercé.
Il est vrai que la France vivait au rythme de l’influence américaine et de l'émergence de la vague "Yé Yé". Mais la musique orientale a quelque chose de magique, d'ensorcelant, qui vous emporte dans une féerie des mille et une nuits."
Conscient de sa mission de chantre des pieds noirs, il s'aperçoit rapidement que ses rythmes peuvent toucher un plus large public. Il n'hésite donc plus à intégrer ces airs dans ses spectacles où l'on chante et danse, laissant loin derrière lui les appartenances religieuses, politiques et raciales. Les laï laï et les extensions festonnées des fins de chansons se sont mariés à de véritables chansons en arabe.
Dès 1972, à coté de la formation de Sylvain, l'orchestre de l'Olympia voit sur ses pupitres des partitions l'invitant à jouer de « l'oriental ». Non, il ne s'agit pas d'Oum Kaltoum ou de Aissa EL Djarmouni. Il est question d'une musique âgée de six siècles qui vient de l'autre côté de la Méditerranée.
Puis, c'est au tour de Martial AYELA en 1974 et 1976 et Jean CLAUDRIC en 1977 qui ont, eux aussi, des liens avec cette musique, de signer des arrangements spéciaux pour des spectacles spéciaux.
"Mademoiselle Angèle", "Koum Tara", "Ya Belaredj" en 1976 et "I faredj Rabbi" en 1977 donnent le point de départ à l'intégration officielle du malouf dans le répertoire d'Enrico.
"Je suis venu vers vous et j'attendais ce moment depuis très longtemps. Je suis venu vers vous avec le coeur plein de joie et de paix. Je suis venu embrasser votre cher SADATE et par là même, embrasser chaque égyptien qui aime l'Egypte et la Paix".
Ceci est la traduction de l'Istikhbar (improvisation vocale) qu'Enrico a interprétée dans le mode sika aux pieds des pyramides, le 22 Septembre 1979. Cette prouesse devant un public très connaisseur a été suivie de trois "Inqlâbs" à savoir : "Qalbi b'tala - Ya Sahiba El Ouyoun - Men Yaati Qalbou", le tout dans un arabe algérien parfait. Le déplacement au Caire avec un orchestre très restreint ne l'a pas empêché de présenter une prestation des plus brillantes.
On ne peut pas comprendre l'importance de la musique arabo-andalouse et son ambiance si l'on n'assiste pas à une de ces représentations. En 1995, par respect pour un public qui vient faire la fête et s'amuser, malgré l'assassinat d'Izhak RABIN (le deuxième berger), Enrico ne reverra pas son récital et conservera dans son tour de chant les folklores arabes. En 1989, et toujours à l'Olympia, il revient avec "Sidi H'bibi" en hommage à Salim HALALI.
Vient enfin l'année 1999 et la rencontre avec Taoufik BESTANDJI. Et là, c'est carrément une QAADA/SAHRA* malouf qu'il offre à son public à Bourges, suivie d'un passage de deux jours à l'Olympia en 2000 (plaque tournante) au grand plaisir des mélomanes et adorateurs de MALOUF.
En 2003, hormis "Koum Tara", "Oun enbatou" et "bettar ouel oud", il surprend tout le monde en faisant un clin d'oeil à l'école algéroise pour décliner une belle version du chef-d'oeuvre de Dahmane EL HARRACHI, "Ya Rayah". Ce sera de même en 2006. "El bareh" de El Hachemi GUEROUABI, brillamment chantée avec "l'aorte" du CHAABI de Abdenour DJEMAI, à savoir le banjo (parce que le coeur en est le mandole), est un succès indéniable.
Quand il entame ses Istikhbars, on peut sentir la ferveur et la passion qu'il voue à cet héritage qu'il perpétue avec respect et dévotion.
- *KIF, GOUSTO : Plain plaisir, extase.
- **QAADA/SAHRA : Veillée, réunion, fête, soirée.