Nous sommes le 2 janvier 1492.
C'est le crépuscule. Devant nous s'offre le décor majestueux du
palais d'El Hamra "ALHAMBRA" surplombant
une plaine verdoyante irriguée par El
Oued El Kébir "Guadalquivir".
Un homme debout, tout de blanc vêtu, jette un dernier regard
sur le paysage. C'est le roi Bouabdil, Abou Abdoullah, dernier souverain de Grenade.
Il pleure la fin de huit siècles de présence arabe
en Andalousie.
S'il donnait le signal de l'exode définitif des musulmans et des juifs vers des rives hospitalières toutes proches, s'il faisait taire le sanglot de la chanson qu'un grand peuple avait su savamment et amoureusement composer durant des siècles, il léguait cependant à l'Algérie comme à tout
le Maghreb, l'héritage le plus précieux et miraculeusement préservé d'une civilisation faite de savoir et de tolérance et qui a transmis à l'humanité entre autres cultures, une musique née du mariage merveilleux du classicisme antique et de la sensibilité orientale. Le miracle donc, se perpétue de nos jours et sous nos yeux. Il est dans l'éclatante survivance de cette musique dite "arabo-andalouse" dont les Algériens comme tous les Maghrébins ont fait leur musique classique.
Des cités privilégiées, promues providentiellement au rang de véritables cités conservatoires, ont reçu pour mission de veiller sur cette merveilleuse tradition artistique avec la seule mémoire des hommes, sans le secours d'aucun signe, ni écriture particulière, hormis des textes littéraires chantés d'innombrables poètes.
Comment une musique aussi riche et subtile née dans les cours arabes de l'Andalousie, il y a huit siècles, a t'elle pu se développer au Maghreb jusqu'à nos jours ? Le mérite revient tout d'abord à cette diaspora arabe et juive contrainte à l'exil, mais qui a su transmettre cet héritage, telle une flamme sacrée, par simple enseignement oral, de génération en génération. Le mérite revient ensuite à ces hommes et ces femmes, vulgarisateurs ou musiciens, de talent ou de fortune, qui, à force d'abnégation et d'ingéniosité, se sont attelés à cette immense et redoutable tâche de sauvegarde d'un patrimoine musical qui fait partie, désormais, de notre mémoire
collective
Parmi ces rares initiés, émerge
la figure emblématique
de CHEIKH
RAYMOND
Ce
grand maître a apporté une précieuse
collaboration à la
valorisation du MALOUF et cela, dans le respect de la pure tradition de la musique Arabo-Andalouse.
Musicien et chanteur pétri de talent qui figure dans la prestigieuse lignée
des Chouyoukhs (pluriel
de cheikh : érudit), il a toujours veillé à la maîtrise instrumentale impeccable, à la poésie dépouillée et à la diction soignée en perpétuant cette mémoire. Ce natif de Constantine, où il fut l'élève prodige de deux grands maîtres, Abdelkrim BESTANDJI, et Omar CHEKBAL,
n'a ménagé aucun effort pour donner au Maalouf ses
titres de noblesse. Et tel ces troubadours andalous de la
période médiévale, il nous a fait et continue de nous faire vivre des émotions intenses que tout être humain entretient au fond de lui-même et qu'il véhicule à travers le temps et l'espace. Cela peut être des tableaux de piété et de soumission à Dieu
ou, tout simplement, l'expression des valeurs et des sentiments
tels que la tolérance, la mansuétude, le courage, l'amour ou la nostalgie.
Cheikh
Raymond LEYRIS n'est
autre que le maître spirituel et le beau-père
de Gaston GHRENASSIA
Il est donc tout à fait
naturel qu' ENRICO MACIAS
soit l'héritier légitime de cette tradition musicale
qui l'a bercé depuis sa tendre enfance et dont il a reçu
ses premières leçons d'harmonie. Elle a influencé toutes
ses créations,
depuis "Adieu
mon pays" jusqu'à "La
vie populaire".
Mais la première composition complète et intégrale
qui vient de la musique arabo-andalouse a été signée
sur un très
beau texte qui parle justement de l'exil. Il s'agit, en l'occurrence,
de "Aux talons de ses
souliers". Les inconditionnels et autres
adorateurs ou fans d' Enrico
Macias n'ont
pas besoin d'autres indications pour faire le tour de son
répertoire