Dans
le malouf, l'amour fait partie des sujets de prédilection figurant dans la "s'fina"* de
la plupart des chouyoukhs.
Le mot "habibi" qui
veut dire ma bien aimée, est ainsi rencontré dans tous les textes
ou presque. Aussi, la langue arabe offre la possibilité de décrire
l'être cher en utilisant une multitude de termes et qualificatifs.
Hormis quelques rares femmes qui se sont illustrées dans le malouf,
les grands noms sont bien sûr des hommes qui, quand il chantent l'amour,
parlent le plus souvent de la femme au masculin pour la comparer
à ce qu'il y a de plus beau dans l'univers et bien plus encore. Le
texte qui suit en est un des meilleurs exemples. Il s'agit de "Djamalouhou",
5ème titre du premier CD de bourges, hommage d'Enrico
Macias à Cheikh
Raymond.
Final - Khlaç Zidane : Djamalouhou
Djamalouhou la youssafou
Ka innahou housnou youssoufou (Youssef=Yosseph=Joseph)*
Wa chamsou min'hou tekssoufou
Wa el badrou yadh'ha khadjila. Lal ya la lal....
Sa beauté est indescriptible
On dirait que c'est celle de Youssef
Le soleil s'en éclipse
Et la lune en demeure timide
Bi babikoum nadh'ha tarih
Hatta nara el wedjh el malih
Mouhefhafou el kad erradjih
Badr el boudour moukammila. Lal ya la lal.....
Devant sa porte, je reste étendu immobile
Jusqu'à ce que je vois la beauté de son visage
Et sa grandeur rayonnante
Telle la lumière des astres
* "S'fina" : en arabe, barque. Ici manuscrit des textes de chansons que l'on consulte en cas de trous de mémoire. Raymond justement n'en avait jamais usé. C'est l'une des qualités première d'un maitre, c'est "El hafdh": textes appris par cœur.
* Selon le coran ( sourate XII ) et
la culture arabo-musulmane, Joseph fils de Jacob est le plus bel être
que la terre a porté et ne portera plus jamais. (Voir aussi bible).
"Bit ou Siyah"
Parallèlement aux différents modes et naoubas de la musique arabo-andalouse, un style de chant original connu sous le nom de "BIT OU SIYAH" est venu s'imposer comme étant la meilleure façon d'atteindre le "Tarab", et en même temps, comme un enrichissement de cette musique dite savante. Cet exercice consiste à interpréter un texte dans un mode déterminé en alternant un "Istikhbar" ( Improvisation instrumentale et vocale ) et quelques "Adouar" ( couplets chantés ).
Entendez littéralement par "Bit ou siyah", couplet et cri.
Parmi les grandes "Qaçidas" (texte ou poème) qui ont été chantées dans ce style, on peut citer : "Men frag gh'zali", "El boughi" ou encore "Dhalma" dont nous vous proposons un extrait, ce choix n'étant pas dû au hasard. En effet, dans cet extrait, on peut y écouter du chant puis des improvisations et encore du chant. Il est tout à fait normal que l'on s'y attarde un peu pour signaler que c'est bien-sûr le petit Gaston qui joue à la guitare déclenchant dès le début, des "olé, olé" et qu'à un moment donné, on peut entendre Cheikh Raymond, sûrement émerveillé par son jeu, lui dire "Zid" qui, en Arabe, veut dire "encore !".
Mais si l'on dépouille un peu le répertoire d'Enrico, on s'aperçoit que "Oh guitare, guitare", "S'il fallait tout donner" ou encore "Est-il un ennemi" sont déclinées dans ce style de Bit ou siyah.
Bit ou Siyah
Sahretni beldjebine ouel hadjeb ouel ain
Ou fazet bihoum aala dj'miaa enessouani
Wa lakin ya s'dik nahleflek bimin
Aini ma ratech m'thilha fi z'mani
Ta'dhoui ka echem's ouel k'mar nedjm el fedjrin
Zain'ha ma sal bih hatta inssani
Wana ya Rabbi houb el aadra* b'lani.
Son front, son sourcil et son oeil m'ont ensorcelé Aucune femme ne peut être aussi belle Ô l'ami ! je peux te jurer Que mes yeux n'ont jamais vu une aussi belle femme Elle brille tel le soleil et la lune, astres de l'aube Aucun être humain ne peut être aussi beau Et moi mon Dieu, mon amour pour elle m'a ébloui.