Ayant
la conviction que la musique est un véhicule
de valeurs communes et un vecteur de rapprochement permanent et de concorde, Cheikh Raymond a
su réunir dans son orchestre, comme tout le monde le sait, musiciens
de confession juive et musulmane. C'était aussi l'expression
d'une volonté d'avoir autour de lui les meilleurs instrumentistes
Constantinois.
La maîtrise de l'instrument, "El ala" en arabe, permet une vitalité extraordinaire dans l'exécution de cette musique.
Les savoirs anciens alliés au souci de perfectionner les instruments
de musique arabo-andalouse nous amènent à remonter très loin dans
le passé pour comprendre l'attachement d'Enrico MACIAS à cet héritage culturel qu'il sait restituer avec brio.
ça se passe au XIème siècle.Safiy Ed Din El Ourmawi (1216-1294) est
un juriste et homme de lettres célèbre. Il aime la calligraphie et
la musique. Il se penche sur les œuvres de Al Mawsili (IX) et El Farabi (X) et décide de s'initier au Oud dont il devient un virtuose. Puis, il publie deux ouvrages dans lesquels il offre des éléments originaux comme la terminologie Arabo-Persane des modes musicaux et la transcription des mélodies à l'aide de lettres et de chiffres.
Plus tard, ces notions ont permis l'apport de perfectionnements à certains instruments comme le Oud et le Qanoun et des classifications précises ont été élaborées.
LA NOUBA
Prononcée "Naouba" à Constantine et en Tunisie, la nouba est une suite qui alterne chant et compositions instrumentales. Elle se joue sur un mode(tab'a),
à une heure et selon un ordre déterminés. Elle se divise en
plusieurs pièces musicales. Il existe à l'origine 24 noubas correspondant aux 24 heures du jour. Comme la musique arabo-andalouse n'a pas pu être transcrite mais s'est transmise oralement, il ne reste aujourd'hui qu'une douzaine voir une quinzaine de noubas, s'articulant sur une vingtaine de modes (toubou'a).
Le tempo de la nouba évolue généralement du lent au vif mais en Algérie et en Tunisie, réponses instrumentales et préludes aux chants rompent souvent le tempo initial.
D'une manière générale et selon les écoles, la nouba se compose comme suit :
- 1 ou 2 introductions musicales appelées bacheraf
- M'çaddar
- B'tayhi
- Derdj
- N'çiraf
- Khlass
ce dernier peut se prolonger en Khlass El Kamal....
Les modes ayant une nouba complète
Les modes dont il ne reste que des fragments
Les noubas et modes perdus
Dhil
M'jenba
Raml
Ghrib
Zidane
Mezmoum
Rasd
Ras El Dhil
Maya
Raml El Maya
Sika
H'çin
Jarka
Moual
Aaraq
Ghribet El H'çin
Isbahan
Oushaq
Rahaoui
Raml El Aachia
Maya Faregh
H'çin El Açil
H'çin El Sabah
H'çin El Ouchayran.
Il est à signaler toutefois que les différentes écoles se distinguent par des nuances dans l'exécution des noubas.
Si ces nuances ont été possibles à réaliser, c'est grâce à certains
instruments orientaux comme L'Oudqui offre la richesse de plusieurs accordages et la particularité des 1/2, 1/3, et 1/4 de note.
A Constantine, l'Oud est accordé en deux quintes embrassées : Do La Ré Sol.
En se produisant à Bourges, Enrico MACIAS a
démontré sa faculté de proposer des noubas dans le respect de la pure tradition de l'école Constantinoise.
"Les artisans mélomanes constantinois et adorateurs
de la musique arabo-andalouse avaient conçu une bougie spéciale pour
les soirées malouf. Elle était faite de façon à ce qu'elle se consume très exactement en 24 heures pour les 24 noubas. Comme les orchestres respectueux de la tradition ne pouvaient enchainer qu'une douzaine de noubas, cette bougie avait été revue et corrigée pour ne durer qu'une douzaine d'heures.
L'autre particularité de cette bougie , c'est qu'elle était sertie
de louis d'or et fixée sur un socle spécial, lequel était posé sur
un plateau d'argent recouvert d'un foulard.
A la fin de la soirée, les membres de l'orchestre pouvait fièrement
plier le foulard contenant la bougie fondue et le ramasser. C'était
"
N.B: Tous les "Khlass" des
noubas se terminent en rythme dansant. Les invités qui évoluent sur
la piste pour danser mettent un billet d'argent dans le plateau.
C'est aussi une partie de l'enveloppe de l'orchestre et ça s'appele: "Rechkia".
STRUCTURE DE LA NOUBA MALOUF
(Extrait du recueil des poèmes de la musique andalouse malouf de Constantine - par Kaddour Darsouni)
A noter que les Nouba Dil et Mezmoum n'existaient pas dans le répertoire Malouf. Les mélodies qui composent ces deux Nouba étaient éparpillées, et c'est grâce à un travail de recherche que Kaddour DARSOUNI a effectué, que ces Nouba sont venues enrichir l'Ecole de Constantine. La Nouba Malouf de Constantine est structurée de la manière suivante:
1/ Bacheraf ou Touchia : c'est une ouverture instrumentale avec une mesure 4/4, (sauf pour le Bacheraf Raml Maya qui a une mesure 7/8 et la Touchia Dil 6/8) jouée à l'unisson et qui permet aussi aux musiciens d'accorder leurs instruments.
2/ M'ceddar : c'est le premier mouvement qui est exécuté sur un rythme lent appelé aussi "M'rabaâ" avec une mesure 16/8.
3/ B'taihi : c'est le deuxième mouvement exécuté en 6/8 avec un temps fort.
4/ Dardj : il existe deux mesures qui désignent ce mouvement. La première en 8/8 appelée Dardj Thaqil (lourd) et la deuxième en 3/4 appelée Dardj Khafif (léger).
5/ Ensraf : mouvement exécuté en 5/8
6/ Khlass : c'est le final, mélodie d'allure vive en 6/8.
Généralement, à chaque Nouba correspond un Bacheraf ou une Touchia. En dehors des Khlass, chaque mouvement est précédé d'une introduction musicale appelée Koursi. Malheureusement l'Ecole de Constantine n'en a conservé que quelques uns. Certains sont propres aux mouvements, d'autres sont tirés principalement de la Touchia Zidane ou appartiennent à des mouvements qui ont le même mode ( ex: le Koursi M'ceddar Rasd E'ddil est utilisé pour le M'ceddar Maya). Les Dardj n'ont cependant pas de Koursi.
Tableau des Nouba et de leurs Bacherafs et Touchia respectifs
NOUBA
MODE
NOTES
BACHERAF OU TOUCHIA
Dil
Dil
Do
Bacheraf Maya
H'cine Saba
H'cine
Ré
Bacheraf H'cine
M'djenba
Zidane
Ré
Bacheraf M'rabaâ (Kebir)
Raml Maya
Raml Maya
Ré
Bacheraf Raml Maya ( Aârayssi)
Raml (Raml Kebir)
Zidane
Ré
Touchia Zidane
Zidane
Zidane
Ré
Bacheraf Zidane
Mezmoum
Mezmoum
Fa
Bacheraf Mezmoum (Regrigui)
Sika
Sika
Mi
Bacheraf Sika
Rasd E'ddil
Rasd E'ddil
Do
Bacheraf Dil
Maya
Dil
Do
Touchia Dil
Le Bacheraf de la Nouba M'djenba est spécifique; il est connu sous le nom de Bacheraf M'rabaâ et se caractérise par des compositions musicales construites sur cinq modes différents. Il débute par le mode H'cine (RE) suivi de modes Sika (MI), Dil (RE), Zidane( LA), et se termine sur le mode M'haïr (RE).
Tableau des mouvements de la Nouba et les Koursis qui leur correspondent
NOUBA
M'CEDDAR
B'TAIHI
ENSERAF
Dil
Koursi (Rasd E'ddil)
Koursi (Originel)
Koursi (Originel)
M'djenba
-
Koursi (Originel)
Bacheraf M'rabaâ (Kebir)
H'cine Saba
Koursi (Raml Maya)
Koursi (Raml Maya)
Bacheraf M'rabaâ (Kebir)
Raml Maya
2 Koursi (Originel)
2 Koursi (Originel)
Koursi (Originel)
Zidane
Koursi (1ere phrase Touchia Zidane)
Koursi Zidane
-
Raml
Koursi (4eme phrase Touchia Zidane)
Koursi Zidane
-
(Raml Kebir)
-
Koursi (Originel)
-
Mezmoum
-
Koursi (Originel)
Koursi (Originel)
Sika
-
Koursi (Originel)
-
Rasd E'ddil
Koursi (Originel)
Koursi (Originel)
-
Maya
Koursi (Rasd E'ddil)
Koursi (Dil)
Koursi (Dil)
Koursi
extrait de "Inqlâb Qalbi Ebtala"
concert de Bourges
Heures et moments d'interprétation des Nouba:
A titre indicatif, il y a une tradition qui fixe les heures d'interprétation des Nouba. C'est un rite qui est confirmé par le sens des paroles et par ce fluide sentimental (Tarab) de joie ou de tristesse que l'orchestre communique à l'auditoire.
A Constantine, il est généralement admis que les Nouba doivent être normalement interprétées selon les indications ci-après: